Éducation

Lorsque, le 19 novembre, le quotidien le Monde publie les résultats d'un sondage Sofres et d'une vaste consultation organisée par la F.S.U. (Fédération syndicale unitaire, regroupant le SNES et le SNUIPP, depuis la scission de la FEN en 1992), la morosité, qui semblait avoir été la tendance dominante de l'année 1996 dans l'univers éducatif français, se dissipe d'un seul coup... On y découvre que les Français sont satisfaits de leur école : 52 % estiment que l'éducation « fonctionne bien », 74 % sont contents du travail des enseignants, 56 % demandent plus de professeurs. Si l'école maternelle est plébiscitée, les collèges et les lycées suscitent quelques réserves ; quant à l'enseignement supérieur, il recueille le plus de critiques. Trois points noirs apparaissent distinctement : l'orientation (pour les enseignants, l'école doit « former la réflexion et l'esprit critique » ; pour les parents et les élèves, son rôle prioritaire est de permettre d'« accéder au monde du travail » ; bref, deux points de vue quelque peu opposés)... L'ouverture sur la vie professionnelle (82 % des enseignants et 78 % des parents jugent que l'école ne remplit pas ses missions)... La sécurité dans les établissements (pour 61% des enseignants, 51 % des élèves et 64 % des parents)... Cette exceptionnelle photographie de l'enseignement en France permet de mieux cadrer les nombreux débats qui l'agitèrent pendant toute l'année.

La commission Fauroux

Il y eut d'abord les vagues provoquées par les travaux de la commission dirigée par un ancien ministre de l'Industrie de Michel Rocard, Roger Fauroux, qui, à la suite de la promesse du candidat Jacques Chirac à l'élection présidentielle d'un référendum sur l'école, avait été installée le 11 septembre 1995 par Alain Juppé pour conduire une réflexion sur le système éducatif (et « réinventer en quelque sorte l'école de la République »). En pointant le taux tragique de redoublement en cours élémentaire, d'illettrisme à l'entrée au collège, d'échec en 3e et l'envasement des premiers cycles universitaires, les membres de la commission concluent le 12 avril : « L'école s'essouffle à satisfaire les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés et peine à élever le niveau culturel du plus grand nombre [...] L'Éducation nationale ne se soucie pas des morts et des blessés [...] La commission tient à exprimer sa vive préoccupation devant l'incapacité du système scolaire à faire face à toutes ses tâches. » Bref, une réforme fondamentale s'impose, qui reposerait sur une amélioration de l'égalité des chances, des rythmes plus assujettis à ceux des enfants qu'à ceux des adultes, un allégement des programmes. Dans la foulée, l'hebdomadaire l'Express titre : « L'éducation : échec-national » et le Point, en s'appuyant sur la sortie d'un livre polémique du journaliste François de Closets, le Bonheur d'apprendre, clame : « L'école gâche nos enfants. » Du côté des syndicats, on hurle à la provocation : « On a choisi le minimum culturel, la sélection à tous les niveaux et l'éclatement du service public d'éducation. » Le ministre lui-même, en soulignant son désaccord fondamental, se démarque de ces propositions « radicales », qu'il s'empresse d'enterrer au profit d'une réforme « en continu », par petites touches, en adaptant le modèle existant. Dans son livre, la Décennie des mal-appris, François Bayrou, nommé rue de Grenelle en avril 1993 par Édouard Balladur, ne pose-t-il pas cette devinette éclairante sur le sens de son action ministérielle : « Quelle différence y a-t-il entre un optimiste et un mort ? Aucune, ce sont tous les deux des ministres réformateurs de l'Éducation nationale »...

Orientation et violence à l'école

Tout en supprimant 5 000 postes dans les écoles, les collèges et les lycées et en faisant voter au Parlement un budget en régression pour la première fois depuis la Libération (ce qui provoque une grève générale des enseignants le 30 septembre), le ministre a, en fait, passé une grande partie de son année à animer des « états généraux de l'enseignement supérieur » destinés à redéfinir les missions de l'Université. Le 18 juin, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, il révèle son plan : meilleure orientation des lycéens, période d'orientation durant la première année universitaire, développement du tutorat, organisation en semestres, simplification des diplômes d'études universitaires générales, réforme de l'aide sociale aux étudiants...