La CFDT se fait le principal défenseur d'une diminution substantielle et progressive de la durée du travail, jusqu'à 32 heures hebdomadaires, mais le CNPF refuse toujours tout accord général sur ce thème. Dans l'ensemble, les accords signés dans les entreprises portent plus souvent sur des aménagements qui réduisent peu la durée annuelle du travail, mais la répartissent autrement, ce qui n'entraîne que de rares embauches. L'histoire sociale de la France est d'ailleurs relativement constante sur la question : qu'il s'agisse des 40 heures obtenues sur le papier en 1936 ou des 39 heures en 1982, les réductions globales du temps de travail ont généralement été imposées par le gouvernement et n'ont eu que peu d'incidences positives sur l'emploi.

Depuis des années, tous les groupes sociaux s'accordent sur l'avancement de l'âge de la retraite pour lutter contre le chômage. Or, le poids de ces nombreuses mesures va peser fortement, à l'avenir, sur l'ensemble de la protection sociale de la France, qui reste, d'assez loin, celui des pays industrialisés où les salariés partent en retraite le plus tôt, alors que la durée de vie ne cesse de s'y allonger et l'âge d'entrée sur le marché du travail de reculer. Le Danemark et l'Allemagne, où les systèmes de protection sociale sont les plus avancés, ont même récemment relevé l'âge du départ en retraite. Ce problème n'est pas nouveau. Cependant, il est frappant de comparer le nombre de ces accords sur l'avancement de l'âge de la retraite, hypothéquant pourtant gravement l'avenir, avec cette quasi-impossibilité pour les partenaires sociaux de s'entendre sur la réduction de la durée du travail et sur de nouvelles formes de répartition de l'emploi disponible. Alors que la vie de travail se réduit à ses deux extrémités, nul ne parvient à imposer une répartition plus équitable du travail tout au long de la vie, selon des phases équilibrées d'éducation initiale, d'emploi, de formation permanente et de non-travail.

On note cependant, au premier trimestre 1996, un renouveau des négociations salariales qui s'inscrivent dans le débat public. Elles opposent les partisans de la relance économique par la consommation à ceux de la lutte contre les déficits par l'austérité. Pour ses propres fonctionnaires, l'État a résolu le problème par un blocage de fait des traitements, censé être suffisamment compensé par la sécurité de l'emploi. Le CNPF donne, pour sa part, la consigne de freiner toute augmentation des salaires, redoutant l'impact de celle-ci sur les prix et sur la concurrence dans les entreprises. La crainte de grèves aboutit pourtant assez souvent à des augmentations plus que proportionnelles à l'évolution du coût de la vie. Cela ne suffit pas cependant à faire décoller la consommation. La difficile conciliation entre la relance économique et la rigueur budgétaire et salariale rend d'autant plus préoccupantes les difficultés économiques et les craintes d'aggravation de la situation de l'emploi.

Sécurité sociale : réforme et luttes de pouvoir

Le système français de protection sociale est, avec celui des pays du nord de l'Europe, connu pour être l'un des plus avancés du monde. Personne ne conteste cependant qu'il doit être réformé pour pallier les déficits croissants qu'il engendre, ainsi que le déséquilibre de plus en plus prononcé entre les actifs cotisants et les autres. Mais comment toucher à un système, qui est aussi un puissant amortisseur social, sans provoquer des désordres majeurs ? Les grèves de décembre 1995 ont montré que le danger existait, mais aussi que l'incapacité à traiter de ce problème sur le plan politique était quasi générale. Le niveau des dépenses de santé ne baissant pas, le taux de remboursement des médicaments et de l'hospitalisation continuant à diminuer, le traitement du dossier santé étant fortement critiqué par le corps médical, la réforme d'Alain Juppé est attaquée de tous côtés, dans la majorité politique comme dans l'opposition, par le CNPF et dans les syndicats. Chez ces derniers, l'heure n'est d'ailleurs pas à la convergence des points de vue. La présidence de la caisse centrale d'assurance-maladie, détenue depuis deux décennies par Force ouvrière (FO), est conquise cette année par la CFDT. Ce scrutin venant aiguiser encore les oppositions entre syndicats.