Politique extérieure

Distanciation fréquente à l'égard des positions américaines, affirmation d'une politique arabe autonome, poursuite et élargissement de l'Union européenne, regain de présence en Asie-Pacifique, en cette première année pleine de la présidence Chirac, la politique extérieure acquiert des contours plus fermes. Dans les limites assignées à une puissance moyenne, la France renoue avec une certaine tradition gaullienne tout en se voulant exemplaire dans la construction européenne.

Les relations franco-américaines

Officiellement excellentes comme en témoigne le chaleureux accueil réservé à Jacques Chirac lors de son voyage officiel à Washington en février, les relations franco-américaines se détériorent quelque peu tout au long de l'année, qu'il s'agisse des relations bilatérales ou du cadre plus général de l'Alliance atlantique.

C'est ainsi que la France désapprouve, en mars, l'adoption de la loi Helms-Burton, visant à renforcer l'embargo américain contre Cuba, et pénalisant éventuellement les contrevenants étrangers. La menace de rétorsion agitée par l'Union européenne oblige le président Clinton à geler pour six mois cette loi controversée. Paris confirme par ailleurs son soutien à la réélection de Boutros Boutros-Ghali à la tête de l'ONU, alors même que les États-Unis opposent un quasi-veto à sa reconduction. Le ministre Hervé de Charette rend en septembre un hommage appuyé au secrétaire général, poste que les États-Unis souhaitent plus administratif que politique et, de fait, docile aux injonctions de la diplomatie américaine.

D'autres épisodes fournissent à la France l'occasion de faire valoir sa différence. Ainsi, lors du sommet antiterroriste de Charm el-Cheikh (mars) et lors de la réunion du G7 à Paris et à Lyon (27-30 juillet), elle se départit des solutions exclusivement répressives avancées par les États-Unis. Elle agit de même, début septembre, lors de la riposte américaine contre l'Irak.

Le rapprochement amorcé précédemment avec l'OTAN se poursuit. En janvier, lors de la réunion du Conseil atlantique à Bruxelles, la France accepte de débattre désormais des questions nucléaires. En juin, elle annonce sa participation aux travaux de planification de l'OTAN. Mais elle menace de ne pas aller plus avant si les États-Unis ne donnent pas davantage de substance à « l'identité européenne de défense », définie en juin lors d'un second sommet de l'Alliance atlantique. À l'inverse, les positions franco-américaines demeurent proches en ce qui concerne l'élargissement de l'OTAN aux pays de l'Est, avec l'intégration de la Pologne notamment, dont J. Chirac se montre un chaud partisan à Varsovie (septembre).

L'Europe

Le retour de la paix dans l'ex-Yougoslavie, et notamment en Bosnie-Herzégovine, confère aux États-Unis un rôle essentiel dans la poursuite de l'application des accords de Dayton signés en 1995. La France, qui n'entend pas demeurer passive dans la région, est le premier pays de l'Union européenne à renouer des relations diplomatiques, en février, avec Belgrade.

Hormis quelques refroidissements passagers avec la Grande-Bretagne, liés aux retombées de l'affaire de la « vache folle », ou avec l'Italie, au sujet de la « dévaluation compétitive » de la lire (qui rejoint finalement le SME en novembre), les relations de la France avec ses partenaires européens demeurent excellentes. Le tandem franco-allemand (sommet de Dijon, début juin) se veut exemplaire dans la poursuite de l'Union européenne. L'objectif de la monnaie unique, fixé pour 1999, est devenu plus tangible avec le ralliement de divers pays aux critères de convergence définis par le traité de Maastricht. Plus ardue, la réforme institutionnelle et politique de l'Union est abordée au sommet des Quinze réuni à Dublin, un second sommet se tenant dans cette même ville en décembre. Il s'agit d'un dossier complexe visant à adapter les institutions aux perspectives d'élargissement aux pays de l'Est, et de jeter les bases d'une politique étrangère et de défense commune, la négociation devant s'achever, si possible, en juin 1997. Pour autant, la volonté de Paris de voir l'Union prendre sa place aux côtés des États-Unis dans la négociation israélo-palestinienne se heurte à diverses réticences. Or, la règle de l'unanimité ayant encore prévalu sur celle de la majorité qualifiée, la France devra s'aligner sur les options diplomatiques de ses partenaires : toute voix discordante, pour les choix essentiels de politique extérieure, serait en effet source de crise et de blocage.

Israël et le Moyen-Orient

Dans le chaotique dialogue ouvert par les accords d'Oslo entre Israéliens et Palestiniens, la voix de la France est faible, la clé extérieure du problème résidant plus que jamais aux États-Unis. Sa discrète réprobation de l'ampleur des représailles déclenchées contre le Hezbollah par l'opération « Raisins de la colère » et le massacre de Cana (18 avril) qui en est résulté lui permettent d'être associée au contrôle de la paix au Sud-Liban. Attachée au droit à l'autodétermination du peuple palestinien, ainsi qu'à l'échange de la paix contre les territoires occupés, la France considère avec inquiétude les retards accumulés par le nouveau gouvernement israélien sorti des urnes en mai. Cet attachement au processus de paix aboutit à un soutien implicite à Yasser Arafat lors de son passage à Paris en octobre, soutien qui doit cependant s'inscrire dans le cadre de relations équilibrées. Mais le président français montre que ses prises de positions peuvent aussi s'exprimer avec virulence. Sa visite d'octobre en Israël est ainsi particulièrement remarquée. Défendant la continuation du processus de paix et le maintien des engagements pris par Israël vis-à-vis de l'Autorité palestinienne, il se rend à Jérusalem-Est, où, excédé par l'omniprésence du service d'ordre israélien, il s'en prend vivement aux soldats qui sont censés protéger sa personne. Cette critique à peine voilée de l'occupation de la ville arabe par Israël ayant pris une telle tournure, Benyamin Netanyahou est contraint de présenter des excuses à J. Chirac, qui a, grâce à cet incident, suscité un mouvement de sympathie parmi les Palestiniens.