États-Unis

La victoire électorale des républicains en novembre 1994 a transformé la situation politique et le rapport de force entre les pouvoirs exécutif et législatif. La campagne pour les élections présidentielles s'est donc engagée précocement. Paralysé à l'intérieur par un Congrès résolument hostile, Bill Clinton privilégie la construction de la politique extérieure américaine de l'après guerre froide.

Confronté à l'opposition virulente du Congrès, le président Clinton réussit pendant l'année à se donner une image d'arbitre et de protecteur des intérêts de la nation auprès d'un public que la volonté de légiférer des républicains laisse sceptique et peu indulgent. Ainsi, la campagne pour les présidentielles de 1996 est déjà engagée. Cependant, les affaires extérieures occupent une place de plus en plus réduite, souvent subordonnée à des calculs de politique intérieure. Que reste-t-il de la vision mondiale dont cherchait à se prévaloir l'administration Clinton ? L'isolationnisme ne s'est-il pas à nouveau installé ? En fait, peu à peu, se dégagent les grandes lignes d'une politique étrangère de temps de paix qui, puissamment épaulée par le maintien d'une formidable capacité militaire, remporte des succès aux apparences fragiles mais d'une portée considérable s'ils devaient se confirmer sur le long terme.

Bill Clinton affronte le Congrès

En novembre 1994, les républicains ont repris la majorité au Sénat (53 sièges sur 100) et à la Chambre des représentants (230 sièges sur 435). Aux élections des gouverneurs la tendance a été identique : les républicains ont gagné 11 postes. Ils contrôlent désormais 30 États, dont 7 des 8 les plus peuplés. Le mécontentement des classes moyennes s'est porté contre une majorité démocrate accusée d'avoir été incapable d'améliorer la situation économique et sociale pendant plus de vingt ans. Pour les mêmes raisons, l'électorat démocrate, déçu par les deux premières années de présidence, s'est démobilisé.

Le programme social très conservateur et idéologique du « Contrat avec l'Amérique » des républicains, cherche à modifier les sensibilités plus qu'il ne touche les problèmes de fond. Très habilement gérés par le président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, les cent premiers jours du Congrès n'apportent pourtant pas de résultats législatifs probants. La volonté républicaine de réformer le Congrès et ses comités, d'en alléger le dispositif, d'en réduire la lourdeur bureaucratique et paperassière a certes été appréciée, comme l'ont été les efforts novateurs pour rapprocher les législateurs des citoyens et créer une « démocratie interactive » (Wireless Democracy) à l'aide des moyens de communication les plus modernes (Internet). Mais les tentatives de réforme pour rendre inconstitutionnel le déficit budgétaire ou pour limiter la durée de la représentation parlementaire ont échoué.

Face à l'offensive conservatrice, Bill Clinton se pose en défenseur des faibles : il annonce qu'il mettra son veto à toute remise en cause de la législation en faveur des plus démunis ou de la limitation des ventes d'armes qu'il a imposée l'an passé. Dès l'automne, il exécute effectivement sa menace. Le conflit entre le Congrès et le président en arrive à un tel point qu'entre le 13 et le 20 novembre, faute de loi de finance, l'administration fédérale doit mettre au chômage technique un certain nombre de fonctionnaires qu'elle ne peut plus payer. Mais Bill Clinton se veut aussi homme de modernité et soutient de grands projets à long terme considérés comme créateurs d'emploi. Les « autoroutes de l'information » dues au vice-président Al Gore en sont un exemple.

Dans un climat social qui s'alourdit, le président se donne une allure de plus en plus rooseveltienne, s'attaquant en priorité aux maux de société, en particulier au tabagisme des très jeunes.

Les valeurs américaines en question

L'année est marquée par la retransmission télévisée du procès de Orenthal James Simpson, idole du football américain. Il n'y aurait pas lieu de s'attarder sur cette affaire si les médias américains et les défenseurs de O.J. Simpson n'avaient décidé de la propulser sur le devant de la scène pour en faire une sorte de feuilleton, dans lequel l'Amérique contemple quotidiennement ses contradictions. Ce joueur noir, symbole de réussite et d'indépendance sociales, est accusé d'avoir assassiné son ex-épouse, blanche, et l'ami de celle-ci. Le procès, conduit par un juge d'ascendance japonaise devant un jury à majorité noire, cristallise toutes les interrogations des États-Unis. En majorité, les Blancs croient O.J. Simpson coupable, les Noirs le tiennent pour innocent et ne supportent pas le racisme évident de ses accusateurs, les policiers de Los Angeles. Le verdict d'acquittement du 3 octobre, dont les motivations sont loin d'être exclusivement judiciaires, crée plus de problèmes qu'il n'apporte d'apaisement. Quelques jours plus tard, le 16 octobre, à Washington, en mobilisant plus de 500 000 Noirs autour de slogans violents et sectaires, l'organisation de la Nation de l'islam de Louis Farrakhan ravive encore les tensions entre communautés.

La violence et l'intolérance gagnent du terrain

Avec l'attentat d'Oklahoma City perpétré contre un immeuble de l'administration fédérale où ont péri près de deux cents personnes (le 19 avril), les États-Unis ont découvert une extrême droite américaine antigouvernementale, raciste, organisée en milices et amalgamant liberté individuelle et usage irrationnel des armes à feu.

La préparation de la campagne présidentielle

Le mécontentement est tel que le principe « sortez les sortants » peut durablement servir de base au comportement électoral et ne pas épargner les républicains du Congrès. Les candidats républicains à l'investiture sont nombreux, Robert Dole, le chef de file de la majorité au Sénat, faisant tout de même figure de favori. Mais pendant quelques semaines le général Colin Powell (président du comité des chefs d'état-major durant la guerre du Golfe) entreprend une sorte de précampagne qui rencontre un large écho dans l'opinion. Il entretient le suspense en refusant de s'inscrire immédiatement à l'enseigne de l'un des deux grands partis. Le 8 novembre, quand il renonce à la candidature, la campagne reprend une allure plus traditionnelle. Côté républicain, seul Newt Gingrich semble encore susceptible de créer une surprise en se présentant.