Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Les Îles Britanniques

Grande-Bretagne

Le 22 juin 1995, John Major, démissionne de la direction du Parti conservateur et se porte en même temps candidat pour un nouveau mandat. Il veut ainsi contrer l'opposition de la droite du parti, et notamment celle des « eurosceptiques », qui fragilise le gouvernement et affaiblit le Parti conservateur. Il espère, par ce coup spectaculaire, clarifier la situation politique. John Redwood, ministre responsable du pays de Galles, se porte candidat contre lui sur un programme d'opposition à la monnaie unique, de baisse des impôts, et de réduction des dépenses de l'État. Malgré les critiques d'une bonne partie de la presse, J. Major, avec 218 voix, l'emporte largement sur son adversaire qui n'obtient que 89 voix. Vingt députés se sont abstenus. Le fait que plus d'un tiers des députés n'ait pas soutenu J. Major réduit considérablement l'importance de sa victoire. Il n'est pas certain, en effet, que le Premier ministre sorte indemne de ce combat. Le remaniement ministériel qui suit témoigne d'une orientation vers la droite du parti. La participation au gouvernement des « eurosceptiques » et des opposants à la monnaie unique se renforce. Le 23 juin, la démission de Douglas Hurd, européen convaincu et ministre des Affaires étrangères, contribue à la baisse de l'influence des proeuropéens au sein du cabinet. En provoquant cette élection, J. Major espérait mettre fin aux divisions des conservateurs. En fin de compte, il en sort à la tête d'un parti aussi désuni, sinon plus.

La situation politique

Au pouvoir depuis 1979, le Parti conservateur connaît les effets de l'usure du pouvoir. À en juger par les sondages sa cote de popularité le voue à une défaite certaine lors des prochaines élections. L'admiration et l'estime générales pour le nouveau chef du Parti travailliste, Tony Blair, et la réussite indéniable de ses efforts pour moderniser son parti contribuent puissamment à forger l'image négative du parti au pouvoir.

Les effets d'un tel déficit dans l'opinion se font largement sentir dans les urnes aux élections partielles et locales. Au cours de l'année 1995, les conservateurs perdent trois sièges à la Chambre, ce qui réduit à sept sièges la majorité dont dispose le gouvernement. Les résultats des élections locales sont plus significatifs, puisqu'elles ont lieu sur une échelle bien plus grande. En mai, on renouvelle les élus de 346 conseils de district en Angleterre et un au pays de Galles. Pour les conservateurs le bilan est désastreux. Aucun conseil au pays de Galles ou en Écosse n'est resté sous leur contrôle. C'est un résultat calamiteux pour un parti qui se veut le défenseur de l'union entre les trois nations. En Angleterre même, il doit abandonner le contrôle des conseils locaux jusque dans ses bastions les plus sûrs du Sud-Est : 2 027 conseillers conservateurs perdent leur siège. Sur l'ensemble de la Grande-Bretagne, les conservateurs ne disposent plus d'une majorité que dans 13 conseils de district (contre 207 pour les travaillistes et 50 pour le Parti libéral-démocrate).

Un ancien ministre conservateur, Alan Howarth, homme très estimé dans son parti et député de Stratford upon Avon, choisit de rejoindre le Parti travailliste à la veille du congrès des conservateurs à Blackpool, en octobre. Pour la première fois, un député conservateur rejoint les travaillistes à la Chambre. Par ce geste, il veut protester contre l'inégalité croissante de la société et contre l'indifférence des riches envers les pauvres. Les faits sont effectivement là. On peut, par exemple, constater au long de l'année que les directeurs des sociétés privatisées s'attribuent des augmentations de salaires et des options d'achat d'actions importantes, que les impôts, au lieu de baisser, augmentent, que la qualité des services publics continue de se détériorer. Une série de scandales vient aussi ternir l'image du Parti conservateur, provoquant des démissions au sein même du gouvernement.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les urnes profitent à l'opposition et au Parti travailliste. Celui-ci réussit non seulement à profiter du rejet des conservateurs mais parvient également à mener une profonde réforme interne pour moderniser radicalement le parti. Tony Blair fait adopter des réformes qui accentuent l'indépendance des travaillistes par rapport aux syndicats et qui se démarquent de la doctrine traditionnelle du parti. Le principe des nationalisations est ainsi remis en cause.