Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Biologie, de l'huître à l'homme

Véritables codes-barres à l'usage des biologistes, les empreintes génétiques ont acquis la célébrité en 1986, lorsque les services britanniques d'immigration s'en servirent pour certifier la filiation d'un jeune Ghanéen désireux de rejoindre sa mère au Royaume-Uni. Cette technique, qui se fonde sur l'unicité génétique inhérente à chaque individu, permet en effet d'établir, à partir de « marqueurs » extraits d'une goutte de sang ou d'un simple cheveu, la carte d'identité biologique de chaque individu. Avec une efficacité telle que les empreintes génétiques sont également devenues un puissant outil d'identification pour les spécialistes des plantes et des animaux.

Des animaux transgéniques

Dernière bénéficiaire en date, l'huître plate, ou belon, qui affronte depuis plus de dix ans un grave fléau parasitaire, la bonamiose. Cette affection, due à un protozoaire, s'attaque aux huîtres en eaux profondes. Le parasite s'introduit dans les cellules de l'hémolymphe (l'équivalent de nos cellules sanguines) et entraîne le plus souvent la mort du mollusque avant qu'il n'atteigne sa maturité. C'est dire les ravages créés par la bonamiose, qui menace purement et simplement la belon de disparition.

L'espèce pourrait pourtant connaître un regain de vitalité, grâce aux travaux menés depuis 1985 par l'Ifremer. Après dix ans de recherche, les chercheurs sont parvenus à sélectionner, puis à reproduire deux souches d'huîtres tolérantes au parasite, ce qui leur permet d'atteindre une taille commercialisable. De quoi encourager leurs sélectionneurs, qui vont désormais mettre en œuvre la technique des empreintes génétiques. Celles-ci rendront possibles le repérage du gène qui confère à ces souches leur tolérance providentielle, et surtout l'identification de leurs descendants parmi les dizaines de milliers d'huîtres que les éleveurs cultivent dans un même bassin. Cet objectif, selon les chercheurs, pourrait être atteint d'ici deux à trois ans.

Deux à trois ans, c'est plus qu'il n'en faudra pour que naissent dans les laboratoires du monde entier de nouveaux animaux transgéniques. Ces derniers, dans les chromosomes desquels ont été greffés des gènes étrangers, sont d'ores et déjà devenus des modèles irremplaçables pour la recherche biomédicale. Le plus spectaculaire spécimen de la cuvée 1995 est une mouche. Un véritable monstre de laboratoire, avec des yeux derrière la tête, et ailleurs : quatorze au total, situés sur les ailes, les antennes ou les pattes.

Son créateur ? Walter Gehring, spécialiste de la génétique du développement à l'université de Bâle, en Suisse. Sa recette ? La manipulation d'un seul gène, qui règne sur la fabrication de l'œil. Ce gène, qui commande à son tour deux à trois mille autres gènes, est présent dans toutes les cellules de la mouche. En temps normal, il y reste inactif, sauf là où les yeux doivent se développer. L'expérience a consisté à le « réveiller » par une manipulation génétique ad hoc, puis à le greffer en différentes régions d'un embryon de mouche. La larve une fois éclose donna naissance à un adulte doté de quatorze yeux, tous fournis en cornée, en pigments, en cellules photoréceptrices, capables même de transformer la lumière en signal électrique. Le but de ces recherches est de mettre au point de nouvelles thérapies contre les pathologies de la vision. Car ce gène maître d'œuvre de l'œil existe aussi chez les mammifères, donc chez l'homme.

Récepteurs de molécule

Autre modèle transgénique établi en 1995 : une souris manipulée afin de perdre la mémoire. L'une des multiples hypothèses sur lesquelles travaillent les neurobiologistes stipule en effet que les processus d'apprentissage et de mémorisation reposent sur la plasticité de certaines régions du cerveau, telles que le cervelet ou l'hippocampe. Cette plasticité de transmission du signal nerveux serait elle-même gouvernée par un neurotransmetteur, le glutamate. C'est une molécule clé captée par les neurones grâce à deux types de récepteurs : les récepteurs ionotropiques et les récepteurs métabotropiques.