Sciences et techniques

Fascinantes, mais parfois inquiétantes, les avancées de la science et de la technologie se succèdent désormais à un rythme accéléré. Bénéficiant aussitôt d'un large écho grâce aux moyens de communication d'aujourd'hui, elles tendent à nous faire oublier que notre savoir reste très lacunaire et que nos techniques les plus élaborées peuvent être mises en échec. Une catastrophe naturelle comme le séisme qui secoue, le 17 janvier, la région de Kobe, au Japon, vient pourtant cruellement le rappeler. Survenant un an jour pour jour après celui de Northridge, près de Los Angeles, aux États-Unis, ce tremblement de terre, d'une magnitude de 7,2 sur l'échelle de Richter, fait 5 000 morts, quelque 26 000 blessés, endommage plus de 60 000 habitations et occasionne des dégâts considérables sur les autoroutes et les voies ferrées. On l'explique par un affrontement entre trois plaques de la croûte terrestre : la plaque Eurasie sur laquelle repose le continent asiatique, la plaque Pacifique qui supporte l'océan Pacifique et la plaque des Philippines. La violence de ce séisme tient sans doute au fait que son foyer se situait à faible profondeur (30 à 35 km) et qu'il a libéré toute son énergie à proximité immédiate de la surface, mais aussi à ce que les failles le long desquelles s'est rompue la croûte terrestre étaient géologiquement jeunes et avaient emmagasiné une énergie très importante. Cependant, les scientifiques, s'ils parviennent après coup à retracer à grands traits le scénario du phénomène, ne peuvent que déplorer, une fois encore, d'avoir été dans l'incapacité de le prévoir. L'ampleur du sinistre met aussi en évidence les limites des normes antisismiques, même les plus récentes, et l'insuffisance de la prévention dans un pays pourtant habitué aux menaces sismiques.

L'épidémie du virus Ebola

Dans le domaine médical, la lutte contre les virus constitue un défi permanent pour les chercheurs. Plusieurs milliers de virus différents circulent vraisemblablement dans le monde. La grande majorité ne sont pas pathogènes pour l'homme. Mais leur étonnante capacité à se transformer et à évoluer en fonction de l'environnement peut en faire de redoutables agents infectieux. En 1995, alors que la communauté scientifique rend hommage à Pasteur, pionnier de l'étude des microorganismes, à l'occasion du centenaire de sa mort, le Zaïre doit faire face à l'offensive mortelle du mystérieux virus Ebola. Celui-ci porte le nom d'une rivière du nord-ouest du Zaïre, le long de laquelle il s'est manifesté de façon meurtrière pour la première fois en 1976 pendant quatre mois, avant de toucher le Soudan en 1979.

Plus de 500 personnes ont été infectées lors de ces deux épidémies, avec des taux de mortalité proches de 80 %. Cette fois, le nombre de victimes est d'environ 200. L'origine du virus est inconnue, ses modes de transmission, mal circonstanciés, et l'on ne dispose d'aucun traitement pour le combattre.

Sur le front du sida, l'année n'a, hélas, pas apporté de découvertes réellement encourageantes. Une étude américaine publiée le 17 août dans le New England Journal of Medicine confirme que la zidovudine (AZT), utilisée seule et de manière précoce comme traitement des personnes séropositives sans symptômes, ne retarde pas l'apparition de la maladie ni n'influence la durée de survie.

L'avenir paraît être plutôt à l'emploi d'une combinaison de médicaments.

La lutte contre le paludisme s'avère aussi très difficile : en 1994 avait été publiée une étude fondée sur des tests effectués en Tanzanie, qui semblait indiquer l'efficacité relative d'un candidat vaccin mis au point par le médecin colombien Manuel Patarroyo (v. Journal de l'année, édition 1995) ; une nouvelle étude, publiée en août dans la revue spécialisée The Lancet, et s'appuyant cette fois sur des essais effectués en Gambie, sur 630 enfants de six à onze mois, ne confirme malheureusement pas les résultats précédents et détruit l'espoir qu'ils avaient fait naître.

Les premiers génomes bactériens décryptés

La médecine tâtonne, mais la génétique poursuit son irrésistible avancée. Lors d'une réunion scientifique organisée près d'Oxford, en Angleterre, par le Wellcome Trust, une fondation spécialisée dans le soutien à la recherche en biologie et en histoire de la médecine, l'Américain Craig Venter, fondateur du TIGR (The Institute for Genome Research), près de Washington, présente aux participants la séquence complète de deux génomes, celui d'un agent pathogène sexuellement transmissible et souvent associé au sida, Mycoplasma genitalium, qui comprend 1 800 gènes, et celui de la bactérie Haemophilus influenzae, responsable de nombreuses otites de jeunes enfants, qui contient 600 gènes. C'est la première fois que des génomes sont entièrement décryptés. D'ici deux à trois ans, on devrait connaître le génome d'une dizaine de bactéries. Cette percée de la génétique bactérienne ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension du vivant et laisse présager d'autres découvertes, portant sur des organismes beaucoup plus complexes.