À travers les Régions

Alsace

Les électeurs alsaciens se seraient-ils conduits d'une façon atypique en 1995 ? C'est dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin que Jean-Marie Le Pen a obtenu ses meilleurs scores au premier tour de l'élection présidentielle, avec plus de 25 % des voix. Environ 60 000 Alsaciens continuent à franchir la frontière quotidiennement pour aller travailler en Allemagne ou en Suisse, et l'Alsace a le plus faible taux de chômage de toute la France (8 %). Cela ne l'empêche pas de compter deux zones aidées par Bruxelles : une zone rurale couvrant le Sundgau et les vallées vosgiennes, et la zone de conversion industrielle correspondant au bassin potassique.

La fermeture des Mines de potasse d'Alsace (MPA) est programmée pour 2004. Elle justifie ces aides à la reconversion car les MPA emploient encore 2 700 personnes. Région la moins touchée par le chômage, l'Alsace est aussi celle qui affiche le plus fort PIB par habitant (hormis l'Île-de-France) : près de 125 000 francs. Elle demeure par ailleurs l'une des trois Régions les plus industrialisées de France, et 40 % des salariés de l'industrie travaillent pour une industrie étrangère.

Les Alsaciens, qui ont accordé près de 58 % de leurs suffrages à Jacques Chirac le 7 mai, lors du second tour de l'élection présidentielle, reconduisent, le mois suivant, les municipalités de gauche à Strasbourg (Catherine Trautmann), à Sélestat (Gilbert Estève) et à Mulhouse (Jean-Marie Bockel parvenant à endiguer la poussée du Front national grâce à un front républicain).

La privatisation de la SEITA inquiète les tabaculteurs alsaciens. Ils sont 900 dans la Région, la majorité dans le Bas-Rhin. Ils assurent 15 % de la production française, soit 4 500 tonnes par an, récoltées dans de petites exploitations familiales, où l'on consacre deux à trois hectares aux tabacs bruns, aux tabacs intermédiaires (de type buley) ou aux tabacs blonds (de type Virginie). Il faut 1 000 à 1 500 heures de travail à l'hectare par année. Pour s'aligner sur les normes communautaires, l'État a revu à la baisse les primes versées aux producteurs, qui ne veulent pas, en outre, faire les frais de la lutte contre le tabagisme engagée depuis 1971 : pourquoi augmenter les prix de près de 70 % sinon pour faire baisser la consommation ? Enfin, avec la privatisation de la SEITA, les tabaculteurs craignent de perdre un acheteur important, mais aussi un partenaire utile dans le domaine de la formation, de l'expérimentation et de la recherche appliquée. La manufacture de cigares de Strasbourg, la seule de France avec celle de Morlaix, emploie encore 180 personnes et produit 320 millions d'unités par an.

La circulation dans le centre-ville de Strasbourg était un dossier prioritaire pour Catherine Trautmann (PS) quand elle accéda à la mairie en 1989. C'est le tramway qui a été choisi pour désengorger la ville. La première ligne a été inaugurée le 25 novembre 1994 : 10 kilomètres entre le quartier de Hautepierre et les abords d'Illkirch-Graffenstaden. Mais, surtout, les espaces piétonniers couvrent désormais près de 100 000 m2 et la ville compte 90 kilomètres de pistes cyclables (167 pour l'ensemble de la communauté urbaine). Autant de faits qui ont dû peser lourd dans la balance des élections municipales de juin 1995 et dans la réélection du maire sortant.

Alsachimie est née le 1er janvier 1995, à l'initiative de Rhône-Poulenc et de Du Pont de Nemours. L'usine de Chalampé (Haut-Rhin), désormais propriété à parts égales des deux géants de la chimie, va devenir la plus grande usine d'acide adipique d'Europe. Mais les effectifs seront ramenés de 1150 à 1050 salariés fin 1997.

Aquitaine

Après quarante-huit ans de règne sur Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas passe la main. C'est une page de l'histoire locale, régionale et nationale qui se tourne. Les sondages avaient annoncé une élection triomphale pour Alain Juppé, d'autant plus que Jacques Valade, le président du conseil régional d'Aquitaine, se ralliait à sa candidature. Le Premier ministre est certes élu au premier tour, mais de justesse et avec un score bien inférieur à ceux obtenus par Jacques Chaban-Delmas ; dans la foulée, il se fait porter à la tête de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB). Alors, rupture ou continuité ?