Éducation : de l'affrontement au consensus

L'impossible réforme

Inscrite dans le programme électoral de l'UPF (union UDF-RPR), qui avait remporté les élections législatives des 21 et 28 mars 1993, la réforme de la loi Falloux du 15 juin 1850 devait permettre aux collectivités locales d'accorder aux établissements d'enseignement privé une aide aux investissements et d'en fixer librement le montant. Votée définitivement le 15 décembre 1993 – ce fut la loi Bourg-Broc –, elle est aussitôt critiquée par le chef de l'État et par les élus socialistes qui la défèrent au Conseil constitutionnel. Le 13 janvier 1994, celui-ci l'invalide, son article 2 ne respectant pas le principe de l'égalité entre les citoyens. C'est une défaite pour le gouvernement, une déception pour les défenseurs de l'école privée, mais une excellente occasion pour la gauche syndicale et politique de tester sa capacité mobilisatrice ; celle-ci maintient son appel à ses sympathisants à défiler le dimanche 16 janvier 1994 dans les quartiers de la rive droite jusqu'à la place de la Nation, non plus pour obtenir l'abrogation, désormais sans objet, de la loi Bourg-Broc, mais pour assurer « l'avenir de l'école publique ». La manifestation rassemble assez de participants (260 000 selon la préfecture de police ; plus de un million selon les organisateurs) pour que ces derniers puissent croire au réveil de la gauche, 10 mois après son cuisant échec électoral.

La sécurité et les bâtiments scolaires

Pour prévenir le risque d'une reprise de la guerre scolaire, le Premier ministre avait décidé, dès le 22 décembre 1993, de créer une commission d'évaluation des besoins des établissements d'enseignement public ou privé en matière de sécurité, thème rassembleur par excellence. Et il en avait confié la présidence à un député UDF, Jean-Marc Schléret, ancien président de la PEEP, puissante fédération de parents d'élèves de l'enseignement public. Remis dans sa version définitive au ministre de l'Éducation nationale, le 19 avril 1994, le rapport ne suscite pas de polémiques, son contenu ayant été approuvé à l'unanimité par les membres présents, toutes tendances confondues. Il dresse un état des lieux inquiétant : insuffisance de la protection contre l'incendie, 15 % des bâtiments d'enseignement privé et 5 % des bâtiments de l'enseignement public étant classés à risques – notamment lorsque leur structure est métallique (type Pailleron) ou lorsqu'ils comportent un internat – ; insécurité résultant de la vétusté des machines dans les ateliers des lycées professionnels, etc. Sans chiffrer le montant des travaux à effectuer, les auteurs du rapport invitent les collectivités territoriales à mettre en œuvre les travaux indispensables en accordant une priorité absolue aux bâtiments cumulant les handicaps majeurs : structures métalliques et internat. L'urgence et le coût des travaux à entreprendre requièrent sans aucun doute l'intervention de l'État. Anticipant sur les conclusions prévisibles de la commission Schléret, Édouard Balladur avait promis, dès le 4 janvier, de demander au Parlement le vote d'une loi permettant d'allouer à cet effet aux établissements publics une subvention de 2,5 milliards sur 5 ans, soit 500 millions par an. C'était reconnaître que la politique éducative de la nation ne peut être envisagée que dans la longue durée et c'était répondre « oui », par avance, aux demandes exprimées au soir du 16 janvier par tous les participants à la manifestation en faveur de l'école laïque : le vote d'une loi de programmation budgétaire pour l'éducation et l'adoption d'un plan d'urgence pour la rentrée scolaire 1994.

Le Nouveau Contrat pour l'École

Lancé le 27 janvier par Édouard Balladur, le débat avec les syndicats enseignants, les associations de parents d'élèves et les parlementaires de la majorité et de l'opposition devait aboutir aux « 155 propositions pour l'école de demain » que présente François Bayrou, le 9 mai. Celles-ci recueillent d'autant plus l'approbation de toutes les parties prenantes qu'Édouard Balladur confirme, officiellement, le 16 juin, que leur financement et leur calendrier de réalisation seraient assurés par une loi de programmation pluriannuelle – sans doute quadriennale – dont les dispositions seraient soumises à l'approbation du Parlement lors de la session d'automne.