Environnement

Rio, un an après

Les 178 États représentés à la Conférence des Nations unies sur l'Environnement et le Développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro, du 3 au 14 juin 1992, conscients de la nécessité de parvenir à un développement durable (sustainable development), s'étaient, à cet effet, engagés sur plusieurs textes : la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, ou Charte de la Terre, la déclaration sur les forêts, les conventions sur les changements climatiques et sur la protection de la diversité biologique et enfin l'Agenda 21, catalogue de recommandations destiné à faire du concept de développement durable une réalité au xxie siècle (JA 1993). Un an après, que reste-t-il des résolutions prises au sommet de la Terre ?

Au 30 septembre 1993, la Mongolie était le 30e pays à ratifier la convention mondiale sur la diversité, après les petits États insulaires du Pacifique et de l'océan Indien, l'Équateur, le Japon, l'Australie, la Chine... Les États-Unis qui, le 21 avril, avaient annoncé leur prochaine adhésion, la Russie et les États membres de la Communauté européenne, dont la France, ne s'étaient toujours pas engagés le 1er novembre. Il est probable qu'Américains et Européens envisagent l'adoption de protocoles d'application de la convention, conformes à leurs intérêts. Les réserves émises par les pays du Nord concernent le libre accès aux produits des biotechnologies et le contrôle mondial des organismes génétiquement modifiés ainsi que les compensations financières qu'ils seraient amenés à verser aux pays du Sud, pourvus de ressources naturelles abondantes et variées. La convention sur le climat pourrait entrer en vigueur courant 1994 après que 50 pays au moins l'auront ratifiée. Parmi les principales ratifications effectives, on relève celles des États-Unis, du Japon, du Canada, de la Chine... Les difficultés d'application de cette convention résident dans l'adoption par le plus grand nombre de pays industriels de protocoles relatifs à l'élaboration d'un calendrier de stabilisation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère ou la création d'une taxe sur les matières énergétiques fossiles, responsables de ces pollutions. Les modalités de l'aide financière à apporter aux pays en voie de développement pour qu'ils limitent le plus possible les risques de pollution doivent être précisées. La mise en œuvre des engagements pris à Rio a été évaluée à 125 milliards de dollars. Or, les contributions financières des plus riches ont été, cette année, inférieures à 2 milliards. La modicité relative des financements s'explique sans doute par la crise mondiale actuelle dont un des premiers effets a été la baisse de l'aide publique au développement de la part des pays du Nord. Si cette aide est passée en France de 0,57 à 0,58 % du PNB, elle a diminué aux Pays-Bas (0,79 au lieu de 0,88), en Suède (0,97 au lieu de 1 %)... On peut se demander également si les textes de Rio, qui n'impliquent aucune réelle obligation de la part de leurs signataires, ne sont pas voués, dans le court terme, à un échec du fait même de l'existence des règles du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), qui régissent le commerce international. Il ne faut pas oublier en effet que les accords du GATT tendent à réduire les entraves au commerce comme celles ayant des rapports avec l'environnement, jugées trop contraignantes pour le développement du libre-échange. Autrement dit, les pratiques du commerce international sont en contradiction avec les voies et moyens du développement durable, indissociable de la protection de l'environnement.

Les cétacés

La Commission baleinière internationale (CBI), créée en 1946 pour arbitrer les intérêts entre pays chasseurs, a interdit, en 1986, la chasse commerciale de la baleine. La CBI, à l'occasion de sa conférence de Kyoto, du 10 au 14 mai 1993, a prolongé le moratoire sur la chasse à la baleine, donné son aval au projet de création d'un sanctuaire baleinier en Antarctique et manifesté son intention d'élargir ses compétences à la protection des petits cétacés comme les dauphins. Les cétacés ont été, jusqu'en 1986, les victimes d'une chasse incontrôlée pouvant tourner au carnage certaines années ; pendant la décennie 50, plus de 10 000 baleines étaient harponnées chaque année. Ainsi la baleine franche, le rorqual bleu (ou baleine bleue), la baleine grise, la baleine à dents (ou cachalot), la baleine à bosse, le rorqual commun, le rorqual à museau pointu ont-ils payé un lourd tribut aux baleiniers ou à la pollution des eaux côtières par les métaux lourds, tandis que les dauphins étaient, au même titre que les thons, les tortues ou les requins, victimes des immenses filets dérivants. Selon la CBI, on ne compterait plus que 4 000 baleines franches sur 100 000, 14 000 rorquals bleus contre 228 000, 10 000 baleines à bosse contre 115 000 jadis, mais il y aurait encore entre 450 000 et un million de rorquals à museau pointu en Antarctique et entre 40 000 et 115 000 dans le nord-est de l'océan Atlantique. Si ces évaluations, parce qu'imprécises, sont discutables, il n'en demeure pas moins que les effectifs ont, quelle que soit l'espèce considérée, réellement diminué. Actuellement, les principaux pays chasseurs sont l'Islande, la Norvège et le Japon. L'Islande a quitté l'organisation internationale en 1992 ; la Norvège, outrepassant la décision prise par la CBI à Kyoto, s'autorise depuis la mi-juillet 1993 à capturer 296 rorquals dont 136 au titre de la recherche scientifique. Oslo, dont nombre de produits à l'exportation sont boycottés, risque ainsi de compromettre son entrée dans la CE, d'autant que le Parlement européen a imposé comme condition sine qua non à l'adhésion de ce pays l'arrêt de la chasse à la baleine. Le Japon, sous le couvert de la recherche scientifique, tue 300 baleines par an. Il souhaite reprendre la chasse à grande échelle du petit rorqual à museau pointu ; la raison invoquée est que la consommation de la viande de baleine est de tradition séculaire. L'Association japonaise des chasseurs de cétacés a même déclaré le 9 de chaque mois, jour de la viande de baleine ! Ainsi, quelles que soient ses justifications, la chasse à la baleine n'est pas l'indispensable support à l'économie des pays qui la pratiquent. Les revenus tirés de la vente de la viande de baleine ou du blanc de baleine, ou spermaceti (considéré comme un excellent lubrifiant pour les moteurs de fusée), sont finalement très faibles. La chasse à la baleine est donc une activité difficile à justifier ; elle est vigoureusement dénoncée et combattue par Greenpeace, le WWF, les Amis de la Terre, le Réseau Cétacés, l'association Robin des Bois... comme par la CEE qui interdit toute importation de produits baleiniers (Règlement 348/81). Le conflit qui oppose les pays chasseurs à la majorité des membres de la CBI est néanmoins tempéré par des concertations interétatiques et les résolutions prises par le plus grand nombre à la Conférence de Rio. Les États-Unis qui, pour l'heure, ont renoncé à prendre des sanctions contre la Norvège, souhaiteraient qu'Oslo prenne au moins des mesures de préservation. La France, l'Italie et Monaco ont annoncé le 22 mars, soit plus d'un mois avant la réunion de Kyoto, la création d'un sanctuaire pour cétacés de 73 000 km2 de superficie dans le triangle Corse, Ligurie, Provence. Cette décision s'inscrit parfaitement dans le cadre de la convention sur la diversité biologique, qui vise à garantir la mise en œuvre d'une action internationale efficace pour ralentir la destruction des espèces, des habitats et des écosystèmes.

Histoires d'eaux : le Rhin

Les travaux menés depuis 1987 par des équipes de recherche françaises, allemandes et hollandaises, spécialisées en écologie, physiologie, malacologie, toxicologie, chimie des eaux... ont montré que l'accident de l'usine Sandoz de Bâle (JA 1987), survenu le 1er novembre 1986, n'avait pas eu d'effets irréversibles sur l'écosystème rhénan. Concernant la pollution des eaux fluviales, il apparaît que le niveau actuel de la contamination en lindane et en alpha-endosulfan (pesticides organochlorés) des sédiments et des végétaux est faible, mais que les concentrations de polychlorobiphényles (PCB) et de mercure dans les sédiments, les végétaux et les animaux sont encore supérieures aux valeurs moyennes considérées comme « naturelles ». Si ces résultats sont encourageants, d'autres analyses éco-toxicologiques ont révélé que le Rhin était toujours le siège de pollutions diffuses, quantitativement importantes, d'origine agricole avérée. Concernant la faune, l'accident Sandoz n'a eu, semble-t-il, que des conséquences limitées dans le temps ; le développement de populations de mollusques comme le grand lamellibranche Unio pictorum n'a pas été affecté par la pollution causée par les PCB et les pesticides organochlorés. Le groupe des invertébrés, qu'il s'agisse des crustacés (gammares et aselles) ou des insectes éphéméroptères, coléoptères ou trichoptères... s'est, quant à lui, bien reconstitué. Ainsi les milieux aquatiques du Rhin et du Vieux Rhin non aménagé, qui se caractérisent par leur richesse faunistique, sont-ils doués d'un remarquable pouvoir naturel de régénération. L'hydro-système rhénan est, compte tenu de son environnement industriel et agricole, le collecteur naturel de pollutions variées et plus ou moins abondantes qui menacent son équilibre. Il est donc indispensable de sauvegarder ce fragile équilibre en prenant des mesures adéquates techniques (stations d'épuration, bassins de rétention...) et juridiques (comme la convention internationale relative à la limitation des rejets de chlorures dans le Rhin) visant à contrôler et à réduire le plus possible les rejets et les pollutions directs ou indirects d'origine industrielle, domestique et agricole et à prévenir les risques de pollution accidentelle. La création d'un centre international de suivi écologique du Rhin confirmerait la volonté effective des pays riverains à protéger les eaux, la faune et la flore du fleuve et de sa vallée.

La Seine

Drainant un bassin de 78 650 km2 (14,3 % du territoire), où vivent 30 % de la population française et où sont concentrées 40 % des activités économiques, équipée de multiples barrages-réservoirs, largement aménagée dans son lit et ses berges, la Seine est un fleuve artificialisé dans ses cours moyen et inférieur. À Paris, le débit moyen annuel, de 266 m3/s, est faible, avec une variation de 545 m3/s en février à 95 m3/s en août. Ces faits expliquent la sensibilité de la Seine aux pollutions et le fait que ses eaux soient les plus polluées de France : la densité des bactéries se situe entre 30 000 et plus de 1 million pour 100 ml, alors que la norme autorisée pour la baignade est de 10 000 ! Les salmonelles et les streptocoques ne sont pas rares à l'occasion des débordements d'égouts. Le « bouillon » est également riche en nitrates, phosphates, pesticides, fongicides, solvants, micropolluants toxiques, métaux lourds. Bref, l'état du fleuve est si préoccupant que le programme PIREN-Seine (Programme interdisciplinaire de recherche sur l'environnement), lancé en 1989, mobilise aujourd'hui une vingtaine de laboratoires. Il s'agit de montrer comment fonctionne l'hydro-système Seine de façon à entreprendre, dès 1998, sa restauration, à partir d'une base de données inédites. Les autorités régionales (conseil régional d'Île-de-France et l'Agence de l'Eau Seine-Normandie) se sont engagées à investir 10 milliards de francs et ont choisi de construire deux stations d'épuration sophistiquées, l'une à Valenton (Val-de-Marne) et l'autre à Colombes (Hauts-de-Seine), plutôt que d'agrandir celle d'Achères, la plus grande du monde après celle de Chicago.