Les objets 93

Tandis que la vogue écologique poursuit son chemin en utilisant des matières recyclables pour créer de nouveaux objets, comme les crayons Innovation ou les mini-livres des éditions Mille et Une Nuits, alors que la gastronomie découvre le goût des fleurs, la crise économique généralisée marque la création 93. Le retour du Solex « made in Hongrie » révèle la nostalgie des années 60 ; la multiplication de chaussures de marche confortables, essentielles aux incontournables randonnées en montagne, accompagne la mode grunge passe-muraille et le repli sur soi ambiant. Menant leur éternelle quête identitaire, les jeunes s'affirment à travers le tatoo et le piercing.

Plus innovatrice, la technique peaufine d'ingénieuses machines à faciliter la vie, comme le révolutionnaire téléphone de poche, tandis que les images virtuelles s'affinent de jour en jour. Cette année ne manque pas de surprises : n'est-ce pas le comble de ce repli vers le passé que ce nouvel engouement pour les dinosaures, remis à l'honneur avec le film américain Jurassic Park ? Les arts, la science et la mode vivent à l'heure de ces monstres qu'aucun être humain n'a jamais vus. Cahiers, brosses à dents, porte-clés, tee-shirts, jeux vidéo, hamburgers, sucreries et mille objets estampillés Jurassic Park ont déferlé sur les États-Unis et l'Europe. Cette dinomania, créée de toutes pièces par des industriels qui ont misé gros sur cette passion des dragons imaginaires, est avant tout le fruit d'une prouesse de la technologie. Chaque mouvement des dinosaures du film, aussi réalistes que des animaux vivants, est l'œuvre exclusive de l'ordinateur.

La folie du tatoo

Cet été, le tatoo a fait un tabac sur les plages et le long des chemins de randonnée. Dragons, diables, aigles ou tigres sont adoptés par les garçons, cœurs percés d'une flèche, fleurs ou poissons, par les filles. Les sportifs et les autres se « transfèrent » facilement ce tatouage délébile, qui disparaît en 5 ou 6 jours. Vendu en série sur une planche ou à l'unité (de 18 à 100 francs selon la taille et le dessin), le tatouage est le petit détail qui personnalise le creux de l'épaule ou de la cheville, qui rend son propriétaire unique, et surtout l'introduit dans la grande famille des tatoués... d'un jour.

Un grand texte en petit format

Depuis septembre, la nouvelle maison d'édition Mille et Une Nuits, s'inspirant d'un succès italien, propose en librairie une série de petits classiques de la littérature, au prix unique de 10 francs. Épicure et Ovide y côtoient Stendhal, Balzac, Poe, Sade, Cervantes et Maupassant. Moins chers qu'un paquet de cigarettes, ces textes ne dépassant pas 100 pages sont présentés dans un format de carnet, et veulent correspondre au mode de vie actuel. L'expérience est intéressante : on imagine très bien lire un de ces mini-livres (imprimés sur du papier recyclé) dans un métro ou dans un train, puis le jeter comme un objet périssable. Le public visé : les jeunes qui lisent peu et n'ont pas de gros moyens.

Le piercing descend dans la rue

Si l'art du « piercing » n'est pas nouveau – les pharaons se perçaient le nombril et c'est une pratique courante dans les tribus africaines –, l'engouement pour ces anneaux placés sur certaines parties du corps dépasse le petit monde du sadomasochisme. Les anneaux se multiplient sur les oreilles, parfois sur les narines. Le couturier Bertrand Maréchal a présenté à Paris des combinaisons moulantes équipées à volonté d'anneaux « piercing ». Pour affirmer son identité ou tout simplement pour suivre la mode, une chose est sûre : il faut vraiment être courageux pour passer à l'acte...

Le retour du Solex

La « bicyclette qui roule toute seule », comme disait la réclame, va bientôt réapparaître sur les routes françaises. Né après guerre, le Solex connaît la gloire dans les années 60. Son déclin arrive 10 ans plus tard, et sa commercialisation est stoppée en 1988. Rachetées par un industriel hongrois, les chaînes de fabrication viennent de créer un « nouvel » engin à moteur, le « cyclon », identique au vieux Solex d'autrefois. Il devrait bientôt être vendu en France comme... produit d'importation. Il coûtera beaucoup moins cher que les autres deux-roues, et consommera moins de deux litres de solexine aux 100 km. Les nostalgiques seront-ils au rendez-vous ?

Keno, le dernier-né de la Française des Jeux

Dans le dédale subtil des jeux de hasard, le tout nouveau Keno, lancé en septembre, a déjà ses adeptes. Assez cher (20 francs par grille cochée, quel que soit le nombre de chiffres choisi par grille), il se présente sous forme d'un bulletin constitué de cinq grilles possédant chacune 70 numéros. On peut sélectionner de 4 à 10 numéros par grille. Le tirage a lieu tous les jeudis à 20 h 45 sur France 3. 20 numéros sont alors tirés au sort. Contrairement au loto, les gains sont fixes, quel que soit le nombre de gagnants. Les calculs de la Française des Jeux annoncent de 4 millions de francs pour dix numéros gagnants à 100 francs pour 3 numéros découverts sur 4 sélectionnés. Petite subtilité supplémentaire, un ticket Top Keno, qui permet de participer pendant treize semaines consécutives à un tirage spécial, est remis aux gagnants.

Les baskets font peau neuve

Cela n'en finira jamais : l'état d'esprit « basket » vendu par la publicité, de Nike à « la planète Reebok », entraîne les fabricants de chaussures de sport à rivaliser, cette année encore, d'ingéniosité. Grande innovation, la Rocksport a l'extérieur d'une Weston et l'intérieur d'une basket, avec des semelles en « vibram » pour amortir les chocs (850 francs). La plus légère reste la Mizuno Spike, très chère (1 200 francs), mais qui ne pèse que 135 grammes. Carl Lewis a d'ailleurs battu le record du monde avec elle. La plus efficace est peut-être la Tubular II Carbon. Si elle n'est pas vraiment belle, elle est très confortable : il est possible de régler sur mesure l'amorti du talon. Pour les paresseux, la Disc System Lady Blaze ne se lace pas. Un disque permet de la fermer.

Génération latex

Les préservatifs poursuivent leur entreprise de séduction en s'affichant résolument modernes. Leurs prix ont baissé et leur image s'est dynamisée. Les parfums se multiplient : la classique vanille – sans oublier la vanille light pour diabétiques... – est désormais accompagnée des arômes de noix de coco, menthe, chocolat et fraise. Un concours de création a été lancé par l'agence C-Capital et le centre de formation Négocia, pour le grand bonheur des étudiants d'écoles de design qui ont imaginé des graphismes suggestifs, métamorphosé les emballages, et tenté de sortir le préservatif de son univers médical. La Mairie de Paris a également édité une collection exclusive d'étuis qu'elle distribue gratuitement. Pour tout savoir sur le sujet, les Éditions Syros viennent de sortir la Petite Histoire du préservatif.

Bi-Bop, le téléphone à emporter dans sa poche

Depuis avril, France Télécom commercialise à Paris le petit téléphone portatif, le Bi-Bop, qui devrait permettre à quelque 30 000 abonnés à la fin de l'année (estimation de France Télécom) de téléphoner dans la rue grâce aux 4 000 bornes spéciales qui quadrillent actuellement la ville. Il faut se trouver à moins de 200 mètres d'une borne et, bien sûr, avoir acheté le combiné. Outre son prix de 1 890 francs TTC, le prix de l'abonnement mensuel est de 54,50 francs et le tarif de la communication est facturé au prix traditionnel, plus 83 centimes par minute. L'investissement de France Télécom, qui vise d'abord une clientèle professionnelle d'entreprises et de professions libérales, est lourd, mais peut rapporter gros si le succès escompté (300 000 abonnés en l'an 2000) se vérifie. Signe des temps, le Bi-Bop a été conçu pour fonctionner dans tous les pays d'Europe.

Les fleurs à la mode de Bretagne

Huîtres glacées aux pétales de moutarde, riz à la sauce de souci, fleur de pensée jaune mijotée aux petits oignons, fleurs de courgettes, la mode est à la gastronomie parfumée aux pétales comestibles et autres mini-légumes (betteraves naines, poivrons marron, champignons nippons) assurent des producteurs du Finistère nord. Si ces produits sont encore rares dans nos assiettes, ils sont exportés en grand nombre vers toute l'Europe, Hongkong, Tokyo ou Caracas ; à Taulé, cette reconversion est réussie pour la coopérative L'Armorique, qui ne pouvait plus vivre des traditionnels artichauts et choux-fleurs. Près de Saint-Pol-de-Léon, la Sica a mis ses laboratoires et ses stations expérimentales (30 000 emplois, 2,7 milliards de chiffre d'affaires avec 10 000 exploitations) au service des innovations les plus pointues dans le domaine.

Le crayon sans bois

Il a vraiment l'apparence d'un crayon traditionnel, mais représente une petite révolution dans l'univers de la papeterie. Filiale de Bic, la société Conté a sorti un crayon 100 % plastique. La mine est un mélange de polymère et de pigments. Le corps est en résine de synthèse recyclable. Plus résistant que les crayons en bois, le crayon Évolution ne produit pas d'échardes et coûte entre 1,20 et 1,80 franc.

Aude de Tocqueville