Sports 92 : sans temps mort

Propagande ou professionnel ?

Grâce au retour de l'Afrique du Sud et de Cuba au sein de la famille olympique, 1992 restera l'année de la réconciliation, celle où tous les athlètes, pour la première fois depuis Munich (1972), ont eu l'opportunité de s'affronter hors des entraves que sont les contingences politiques. Mais, s'il faut se réjouir, au moment où s'écroulent les régimes marxistes, de la mort du sport propagande tel qu'ils l'avaient encouragé, l'ère qui commence ne marque pas pour autant le retour à la pureté des idéaux qui ont donné naissance aux Jeux. Le sport professionnalisé a triomphé à Barcelone, comme dans l'organisation d'Albertville. Les grandes firmes s'en sont disputé les retombées médiatiques. Le choix pour les Jeux de 1996, au détriment d'Athènes, de la ville d'Atlanta, siège de Coca-Cola et de la chaîne de télévision CNN, symbolise le lien désormais étroit entre le sport et la course aux dollars.

Les héros

Mais 1992, c'est aussi le triomphe du milliardaire américain Bill Koch dans la 28e édition de la Coupe de l'America ; le premier titre mondial obtenu en F1 par Renault ; la farce du siècle avec la réussite insensée des footballeurs danois à l'Euro 92 ; la chevauchée fantastique de Gilbert Duclos-Lassalle dans « l'Enfer du Nord » ; les envolées à plus de 6 m du perchiste ukrainien Sergueï Bubka ; les ahans de Monica Seles et les rugissements du vieux lion Jimmy Connors, qui a dominé pour ses 40 ans Martina Navratilova ; le sans-faute dans le Tour de Miguel Indurain pour son deuxième maillot jaune consécutif ; la chute du poids lourd américain Evander Holyfield devant le nouveau monstre de la boxe professionnelle, Riddick Bowe ; les entrechats du rugbyman australien David Campese, recordman du nombre d'essais inscrits en match international (plus de 50) ; le retour dans les arènes de Séville de l'idole déchue du ballon rond, Diego Maradona ; le départ pour de bon de Magic Johnson, cette fois vaincu par l'ingratitude de ses pairs...

Modestie française

En comparaison, le bilan des Français reste bien modeste. Hormis celles qui se sont distinguées aux jeux Olympiques, les stars sont en effet en voie de disparition : une espèce en danger de mort. Joker de luxe au sein de l'attaque du Milan AC, Jean-Pierre Papin n'a ainsi toujours pas remplacé Michel Platini dans le cœur des tifosi, et, depuis l'exil de celui-ci, l'équipe de France est à la dérive, espérant être sauvée par celui qui en fut son joyau il y a encore moins de six mois. Réputé pour son sérieux, ses bonnes manières, Guy Forget n'a pas, loin s'en faut, le charisme de Yannick Noah et souffre de ne pas pouvoir s'imposer sur la terre battue de Roland-Garros. Héritier d'Éric Tabarly dont il fut l'élève, Philippe Poupon demeure désespérément dans l'ombre de Florence Arthaud, qui rallie tous les suffrages depuis sa victoire historique obtenue dans la Route du rhum (1990). En définitive, dans un milieu où le star-system est devenu roi, seul Alain Prost, malgré son année sabbatique, a conservé son statut de vedette. En attendant que d'autres prennent la relève (Marie-José Pérec ?), il est actuellement l'unique sportif français de dimension internationale. C'est notoirement insuffisant.

Les aventuriers

Mais ne terminons pas ce tour d'horizon de l'année sans parler d'une nouvelle race de sportifs, celle des aventuriers. Le sport, en effet, ne se pratique plus seulement dans les limites restreintes d'un stade ou d'une piscine. Son cadre est devenu la Terre entière, vaste étendue de jeu et d'aventure. Catherine Destivelle (face nord de l'Eiger en hivernale en 16 h 30 min), Bruno Peyron (record de la traversée de l'Atlantique en solitaire en 9 j 19 h 22 min), et son frère Loïck (victoire dans la Transat anglaise) en sont les meilleurs exemples.

Éric Cachelot