Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Photographie

La technologie de l'image n'a pas cessé d'évoluer depuis son invention mais, jusqu'à ce jour, la photographie avait toujours conservé le même support, à savoir le papier. Avec l'arrivée sur le marché du stockage d'images sur laser-disc, les bons vieux albums de photos ne vont pas tarder à rejoindre les phonographes et autres inventions des débuts de l'ère industrielle dans nos greniers. Ce système vous permet désormais de visionner vos photos de vacances sur votre téléviseur, sans parler de la foule des possibilités que ce support ouvre aux créateurs munis du matériel informatique de la CAO. On peut espérer que cette nouvelle invention donnera un nouveau souffle au marché de la photo, qui est en net recul à partir du second semestre de 1990, après les années de progression record de 1987 à 1989.

Le premier festival Photofolie a réuni 500 manifestations à travers 300 villes et villages du 22 au 24 mai, avec pour but de permettre au public d'aller à la rencontre des grands photographes, tout en revalorisant la pratique « amateur ». Cette manifestation a aussi ranimé le vieux débat sur le statut en tant qu'art à part entière de la photo. En guise de protestation, en effet, un certain nombre de galeries ont non seulement refusé d'y participer, mais ont même carrément fermé leurs portes pour l'occasion. Elles voyaient dans cette manifestation une certaine vulgarisation qui allait trop à rencontre de ce pour quoi elles se sont battues depuis vingt ans : expliquer, affirmer et défendre la photo d'art. Avec la présence de Suzanne Lafont au Jeu de paume, à Paris, et du Britannique Craigie Horsfield, au musée d'Art moderne de Saint-Etienne, la photo d'art – malgré l'inquiétude manifestée à son égard – fait une entrée remarquée dans ces « temples » de la peinture. Si Cartier-Bresson, Sieff ou Helmut Newton ont déjà été consacrés par le musée d'Art moderne de la Ville de Paris, Lafont ou Horsfield sont peu ou pas connus dans le monde de la photo « conventionnelle » et demeuraient plutôt positionnés dans le monde de l'art contemporain.

Une maison bâtie à quelques mètres du lieu de naissance de Robert Doisneau, à Gentilly, dans le Val-de-Marne, porte désormais son nom. Cet endroit, qui ne veut pas se définir comme un musée, abritera à la fois l'œuvre du « braconnier d'images » et celles de jeunes photographes.

Amérique

En cette année électorale américaine, le palais de Tokyo a ouvert entre autres son espace à trois photographes d'outre-Atlantique. Louis Faurer nous y montre le New York de la rue, le peuple frileux qui vaquait à ses occupations dans l'aube de l'après-guerre. De son côté, un Lee Friedlander quelque peu obsessionnel a exposé une série d'autoportraits où sa propre image est sans cesse témoin de l'instant saisi. Comme un fantôme, il apparaît tantôt dans un rétroviseur, tantôt dans une glace, à la fois observateur de son observation et observateur observé. Enfin Annie Leibovitz, papesse de l'objectif dans le grand cirque rock'n'rollien des années 1970, nous offre un regard certainement plus complaisant et nettement moins incisif (malgré son renom...) que certains photographes rock européens comme Alain Dister.

Martin Munkacsi fût un des photographes les mieux payés dans les années 1930. Il avait été le premier à introduire la notion de mouvement et de vie dans l'univers figé de la mode de l'époque. Deux petites expositions, à la Fnac-Wagram et à la galerie Picto-Bastille, furent consacrées à ce photographe peu connu en France.

Après un an sur la route à travers les douze pays de la Communauté européenne, Marie-Pierre Vincent nous a offert un regard sur nos différences, nos caractères, nos modes et usages, qui fut le thème central des Rencontres d'Arles. Cette année a vu aussi la disparition d'un « dinosaure » de la photo hollywoodienne, George Hurrell, ainsi que celle d'un espoir tout jeune de la photo créative française, Bernard Balmot. Hurrell, ami des stars, fut le photographe par excellence qui sut leur offrir cette auréole de splendeur intouchable. Bette Davis disait de lui : « C'est un photographe de génie ; il a beaucoup contribué à ma carrière. » Quant à Bernard Balmot, sa mort brutale à 31 ans met un point final prématuré à ce qui s'annonçait comme une vraie carrière...

Patricia Scott-Dunwoodie