Les chantiers de la découverte

Le premier navire à propulsion magnéto-hydrodynamique

Le 16 juin, la vedette japonaise Yamato 1, premier navire à propulsion magnétohydrodynamique, effectue sa sortie inaugurale dans la baie de Kobe. Longue de 30 m, large de 10,5 m, pesant 280 t et dotée d'un profil particulièrement aérodynamique, elle évolue pendant une trentaine de minutes à la vitesse de 6 nœuds (environ 11 km/h). Ainsi se voit concrétisée une idée envisagée dès le début des années 1960, celle d'éliminer toute pièce mécanique pour la propulsion des navires. Relativement simple, le principe de la propulsion magnétohydrodynamique (MHD) met à profit l'interaction de courants électriques avec un champ magnétique. On sait depuis plus d'un siècle que tout conducteur auquel on applique un champ électrique, et que l'on plonge dans un champ magnétique perpendiculaire au premier, subit une force, dite « de Laplace-Lorentz », dont la direction est perpendiculaire à la fois au champ électrique et au champ magnétique. Un bateau à propulsion MHD est équipé d'un dispositif permettant d'appliquer à la fois un champ électrique et un champ magnétique importants à un certain volume d'eau de mer. L'eau, subissant la force de Laplace-Lorentz, est chassée vers l'arrière, faisant ainsi avancer le navire, à l'instar de celle expulsée par la pompe à eau d'un scooter des mers. Mais, jusqu'à la fin des années 1970, les scientifiques et les industriels ne savaient pas fabriquer les bobines nécessaires à la production des importants champs magnétiques réclamés par la propulsion MHD. Les progrès réalisés dans le domaine des aimants supraconducteurs donnent aujourd'hui une nouvelle chance à ce mode de propulsion qui, outre les civils, intéresse au plus haut point les militaires pour leurs sous-marins, en raison de sa grande discrétion de fonctionnement. Deux voies sont actuellement prospectées : celle de la propulsion par conduction, où le champ électrique est engendré par une différence de potentiel entre des électrodes, indépendamment du champ magnétique ; et celle de la propulsion par induction, où le champ magnétique, alternatif, engendre lui-même le courant électrique. Dans chaque cas, les écoulements peuvent s'effectuer au sein de canaux solidaires du navire ou à l'extérieur de celui-ci. La solution qui paraît aujourd'hui la plus prometteuse est celle de la « conduction en canal ».

Le succès de la vedette expérimentale Yamato 1 consacre l'aboutissement d'un programme de recherche de 4 milliards de yens amorcé au Japon en 1985. La propulsion MHD intéresse également les États-Unis, l'ex-URSS et la France, où une collaboration s'est engagée entre la Société Jeumont Schneider Industrie, le Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels de Grenoble et quatre laboratoires de l'INP de Grenoble associés au CNRS.

Le superstatoréacteur, propulseur aérospatial du xxie siècle

Le 17 novembre, l'Institut central des moteurs d'avions, situé à Moscou, pour la deuxième fois dans l'histoire (la première remontant au 28 novembre 1991), fait voler un superstatoréacteur. Alimenté en hydrogène liquide, le propulseur, long de 1 200 mm pour un diamètre d'entrée de 226 mm, initialement accéléré par une fusée de type sol-air, culmine à plus de 25 km d'altitude, fonctionnant en mode supersonique pendant 15 secondes, soit trois fois plus longtemps que lors du premier essai. Effectuée au Kazakhstan, cette expérimentation bénéficie de la coopération d'un organisme français, l'ONERA (Office national d'études et de recherches aérospatiales). En effet, les spécialistes de la propulsion aérospatiale sont unanimes : pour remplacer les coûteuses fusées multiétages par des lanceurs spatiaux entièrement réutilisables, ou pour développer des avions hypersoniques (c'est-à-dire capables de voler à plus de Mach 5), il faudra faire appel, demain, au superstatoréacteur.

Inventé en 1907 par René Lorin, puis perfectionné et mis en application à partir de 1936 par René Leduc, le statoréacteur classique se révèle le plus simple des moteurs à réaction : il est dépourvu d'organe mobile. Il comporte une entrée d'air par laquelle ce dernier pénètre directement pour être comprimé par la vitesse même de l'avion ou du missile qui l'utilise. Au centre du moteur se trouvent disposées plusieurs couronnes d'injecteurs alimentés en carburant : la combustion de ce dernier dans l'air comprimé émet des gaz éjectés à vitesse accrue dans l'atmosphère par une tuyère, ce qui assure, par réaction, la propulsion de l'avion. Léger dans sa construction, le statoréacteur possède un rendement élevé aux très hautes vitesses supersoniques. Son principal inconvénient réside dans son incapacité à développer une poussée au point fixe : son fonctionnement n'est concevable que si le véhicule porteur possède déjà une certaine vitesse. C'est pourquoi son utilisation n'intervient qu'après une première phase propulsée, réalisée le plus souvent avec un turboréacteur ou un moteur-fusée. On peut alors atteindre des vitesses allant de Mach 3 à Mach 6 ou 7. Dans les statoréacteurs classiques, la vitesse moyenne de l'air dans la chambre de combustion est subsonique. Dans les superstatoréacteurs que les recherches actuelles visent à mettre au point, cette vitesse est supersonique. En France, les aspects essentiels de la propulsion hypersonique sont étudiés, depuis 1991, dans le cadre du programme Prepha (PRogrammes d'Études sur la Propulsion Hypersonique Avancée). Ces études se concentrent principalement sur le superstatoréacteur et sur la maîtrise de la combustion supersonique. Elles permettent d'espérer la mise au point, vers 2020, d'un nouveau type de lanceur spatial réutilisable et, à l'horizon 2040, d'un avion à grande vitesse (AGV), ou hypersonique.

Un nouveau type d'écrans plats

L'écran de télévision accroché au mur comme un tableau : ce qui n'est encore qu'un rêve aujourd'hui pourrait devenir une réalité demain, grâce aux progrès de la technologie des écrans plats. Micro-ordinateurs, téléviseurs de poche, montres, etc., des millions d'objets dans le monde sont déjà équipés d'écrans plats à cristaux liquides. Mais il s'agit toujours de petits écrans, dont la diagonale ne dépasse guère 23 cm. Car la fabrication des écrans plats coûte très cher et la complexité de l'opération augmente avec leur taille. Or les tubes cathodiques classiques, encombrants et lourds, apparaissent mal adaptés aux écrans de grande dimension : avec les marchés de la télévision et des microordinateurs, l'écran plat constitue un véritable enjeu industriel.