Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Éducation : rénovation ou consensus prudent ?

Les réformes Jospin

Après expérimentation dans 33 départements, la réforme de l'école entre en application en janvier. Elle structure les enseignements maternel et primaire en trois cycles pluriannuels dits des « préapprentissages », des « apprentissages premiers » et des « approfondissements » : la classe est cassée, des « groupes de besoins » constitués pour faire du « soutien », les enseignants contraints au travail en équipe, au suivi et à l'évaluation collective de leurs élèves. Les maîtres n'apprécient pas.

La logique aurait voulu que la réforme du collège suive celle de l'école et conditionne celle du lycée. Le calendrier politique en décide autrement. Il faudra se contenter de la mise en place, à la rentrée 1992, de 4es à effectifs réduits et de 3es d'insertion pour remédier aux handicaps les plus graves.

Rendu public le 25 juin 1991, mais étalé sur trois ans, le plan de rénovation des lycées suscite l'opposition des élèves, des enseignants et des parents parce qu'il réduit à deux le nombre des matières à option, et fait donc pratiquement l'impasse sur la deuxième langue vivante et sur les langues mortes.

Annoncé à la même date, préparé par l'impétueux Claude Allègre, conseiller spécial du ministre, le projet de restructuration des 1er et 2e cycles des universités prétend adapter ces dernières – au même titre que les lycées – à leur nouvelle mission : assurer un enseignement de masse au bénéfice d'étudiants de niveau très hétérogène.

Il est perçu comme une tentative du pouvoir d'instaurer une sélection par des voies détournées. Il n'en faut pas plus pour propulser dans les rues des dizaines de milliers de lycéens et d'étudiants.

La politique du « consensus »

Lionel Jospin remercié après les élections régionales, Jack Lang reçoit l'héritage le 2 avril. Il va agir dans un sens résolument consensuel. Le projet de rénovation des lycées entre en application à la rentrée scolaire 1992 : regroupement des élèves en deux filières, l'une littéraire, l'autre scientifique, création des « ateliers de la pratique » et d'un enseignement modulaire par demi-groupes dans quatre disciplines majeures (français, mathématiques, première langue vivante, histoire-géographie). Mais, en portant de deux à trois le nombre des matières optionnelles, le ministre avait préventivement apaisé les critiques de l'association Sauvegarde des enseignements littéraires ; en suggérant d'associer les élèves à la correction des tests d'évaluation à leur entrée dans le 2e cycle de l'enseignement du second degré, il en gommait par avance le caractère sélectif.

Jack Lang fait preuve d'un égal pragmatisme en matière d'enseignement supérieur. Son nouveau projet d'arrêté, publié au JO du 30 mai, reprend les mesures consensuelles de Lionel Jospin lorsque celles-ci n'avaient fait l'objet d'aucune contestation information et orientation progressive des étudiants en première année, garantie d'une deuxième session d'examens en septembre/octobre, etc.

A contrario, il renonce aux dispositions qui avaient cristallisé les oppositions : introduction en fin de première année d'un certificat d'études universitaires (CEU) ; réduction de 45 (en fait 28) à 12 du nombre des DEUG.

Plus discutées, deux dispositions chères aux socialistes sont tout de même maintenues : l'organisation des enseignements en « modules » capitalisables ; le « tutorat » par des aînés en année de maîtrise ou de 3e cycle, ce qui avait fait crier à l'enseignement au rabais. Enfin, l'accord « historique » signé le 13 juin par le ministre et par le père Max Cloupet, secrétaire général de l'enseignement catholique, et portant sur les subventions publiques aux écoles privées, confirme la volonté consensuelle de Jack Lang.

La crise de la FEN

La crise de la FEN couvait depuis longtemps déjà (celle-ci n'avait-elle pas perdu deux cent mille adhérents de 1980 à 1988 ?) et se déclare ouvertement en février 1991 lorsque, à l'issue du congrès de Clermont-Ferrand, la majorité socialisante UID (Unité, Indépendance, Démocratie) ne recueille que 53,2 % des suffrages. Constituée pour l'essentiel des enseignants du primaire regroupés dans le puissant syndicat des instituteurs (SNI-PEGC), condamnée à tourner à effectifs constants en raison de la stagnation démographique des classes d'âge qui sont confiées à ses membres, l'UID prend conscience qu'elle devra fatalement céder à terme la direction de la FEN à la tendance UA (Unité Action) proche du PC qui rassemble les syndicats de professeurs du second degré (SNES [Syndicat national du second degré], SNEP [éducation physique]) dont les effectifs enseignants croissent au rythme de la prolongation de la scolarité.