Le point sur...

Mode

Année 91, année de toutes les références et des créateurs sous de multiples influences. L'essentiel, c'est d'être soi-même en cultivant l'art de la différence dans ce festival de tendances et de courants déroutants, où tout se confronte et se mélange pour mieux se réinventer.

Signe d'époque, les exercices de style se multiplient et chacun façonne le sien. Jamais la mode, qui autorise la diversité et le mixage des genres, n'a été aussi éclatée. « Les styles ne sont plus cloisonnés, tout est libre, personne n'est emprisonné », dit Karl Lagerfeld. On récupère et on se souvient beaucoup, en ces débuts de nouvelle décennie qui vivent le présent en se penchant sans cesse dans le passé. Les vieux albums de photos se feuillettent, les émissions de télévision se revoient, les flash-back renvoient aux débuts de la société de consommation.

La tendance écolo

Des « fifties », on se souvient de l'œil de biche, des bigoudis et des choucroutes à la Bardot, mais aussi des toiles de vichy, des grandes jupes, des tailles étranglées et des bustes pigeonnants. Des années 60, on retrouve avec émotion l'allure trapèze, la ligne en A, car elles évoquent l'exquise silhouette rendue célèbre par Audrey Hepburn et Hubert de Givenchy, l'une étant liée à jamais à la renommée de l'autre. Cela nous rappelle aussi Jackie Kennedy, invitée à un bal au château de Versailles par le général de Gaulle.

Le courant 70 s'inscrit à cet inventaire de références peu ordinaires qui remettent à l'honneur skaï et vinyle, cuissardes et mini, imprimés géométriques et dessins psychédéliques nés de l'Op'Art et de la Figuration libre. Pierre Cardin, André Courrèges et Paco Rabanne sont les idoles de la nouvelle génération et leurs vêtements-sculptures descendent des musées dans les rues. Leurs héritiers, de Thierry Mugler à Lionel Cros, armurent les corps de latex, moulent les seins dans des coques de polyuréthanne et donnent à leurs égéries l'allure d'héroïnes de bandes dessinées futuristes. Jean-Paul Gaultier fait du plastique son nouveau canevas à broder des fils d'or.

Autre thème en vigueur, qui dénonce les années fric et la silhouette chic – oui, elle existe encore – : le « look destroy ». Déchirée, rapiécée, la mode paupériste nous est venue des brumes anglaises, belges et hollandaises. À chacun son mauvais goût. La dentelle fait la belle et l'allure de guêpe sous le coup de ciseaux d'Yves Saint-Laurent. Le genre lingerie enflamme les regards. Les effets de transparence donnent l'illusion du nu. Dans cette déferlante de courants, la tendance écologique s'impose, réunissant de plus en plus d'adeptes. Cotons bruts, teintures végétales, boutons en verre reconstitué ou en bois exotique, emballage en carton recyclé en sont les éclatants symboles. Il y a aussi, cristalline et pure, la mode inspirée par la vague du New Age américain, qui fait du bien-être spirituel une valeur sacrée.

Le Lycra se faufile partout

Les valeurs changent et on n'a besoin de personne pour se faire dicter son allure, et on a encore moins l'envie de se donner un style pour la vie. Cette grande liberté de choix commence par la liberté des ourlets. Court ou long, là n'est pas la question. L'un et l'autre illustrent l'alliance des contrastes. La bonne combine ? Une jupe à la cheville ouverte sur un short, un fourreau audacieux de face, sage vu de dos. Signe des temps, ce métissage d'images qui bouscule conventions et traditions fait la part belle aux détournements dans le droit fil de la récupération.

« Une veste brodée sur un simple collant donne à la nuit un nouvel élan », affirme Karl Lagerfeld. Le soir, il impose une tenue de surfeur en paillettes bordée de gros grains noirs sur cycliste de Lycra. Claude Montana et Christian Lacroix réinventent le parka et le trench, lui donnant de nouvelles lettres de noblesse découpées dans le taffetas, le satin, l'organza ou le gazar. Azzédine Alaïa offre du tulle à ses imperméables et une maille Lycra étonnante à ses combi-caleçons (venues du vestiaire des cyclistes). Aux motards, Karl Lagerfeld emprunte le cuir clouté.