Le point sur...

Population

Stabilité de la natalité et de la fécondité ; baisse continue de la mortalité, avec maintien de la différence élevée en faveur des femmes ; poursuite de la légère remontée du nombre de mariages, amorcée en 1987, et due à des « régularisations » de couples déjà constitués : telles sont les conclusions que l'on peut tirer de la « santé » de la population en 1991. Le mariage n'est plus l'acte fondateur des unions, mais tend à être célébré en cours de vie commune, souvent pour des besoins administratifs ou bancaires. Ce retard, lié au chômage, du « calendrier » de la constitution et de l'agrandissement des familles, pèse sur la natalité.

Si la confiance en l'avenir se rétablit, on verra rajeunir à nouveau les âges de la mise en couple, du mariage et de la naissance de deux ou trois enfants successifs. On enregistrerait alors, sans augmentation de la « descendance finale », une hausse de la fécondité du moment, qui pourrait retrouver le niveau symbolique de deux enfants par femme, comme en Suède et aux États-Unis.

Cela ne suffirait certes pas à supprimer l'écart de fécondité avec les pays pauvres, qui tend cependant à diminuer sérieusement, du fait de la baisse constatée un peu partout, dans le Sud-Est asiatique comme en Amérique latine, et même dans le monde arabe et musulman. La fécondité moyenne du monde développé et du monde en développement, respectivement de 2,0 et de 4,4 enfants par femme en 1980, est actuellement estimée à 1,9 et 3,9. Seule l'Afrique noire, accablée par une situation alimentaire et sanitaire désastreuse, reste à l'écart de ce mouvement planétaire.

La pression migratoire, souvent reliée aux écarts de fécondité, l'est en fait aux conditions économiques et sociopolitiques des pays de départ et d'accueil. Un pays du Nord, l'Union soviétique, a ainsi perdu plusieurs centaines de milliers d'émigrants partis vers un pays du Sud, Israël, pour d'autres raisons que des différences inexistantes de fécondité. La possibilité de mouvements analogues, de l'Est vers l'Ouest de l'Europe, examinée par le Congrès européen de démographie de Paris (23-27 octobre), et rendue crédible par les boat-people albanais expulsés d'Italie, est devenue, bon gré mal gré, un élément du marchandage économico-politique sur les formes, l'importance et la répartition de l'aide occidentale, sollicitée de tous côtés, Est et Sud.

En France, toute idée d'ouverture des frontières aux marchandises et aux hommes se heurte à un protectionnisme frileux qui trouve argument dans le niveau très élevé du chômage. Les résultats du recensement de 1990, publiés en juin, ont fait état de 2 733 000 chômeurs, 31 % de plus qu'en 1982. Les départements frontaliers d'industries mécaniques, de la Savoie à la Franche-Comté et à l'Alsace, ont mieux tiré leur épingle du jeu que ceux du Nord et de la Lorraine, en cours de reconversion, et que le Midi viticole, désorienté entre les activités de matière grise et le « boom » du béton. Mais le chômage et l'emploi n'ont pas forcément des évolutions opposées : là où se créent des emplois se crée aussi de la demande d'emploi, qui peut excéder l'offre. En Seine-et-Marne, les chantiers d'Euro-Disneyland et de l'Est parisien ont attiré du monde, créé des emplois... et du chômage.

Une profonde réforme fiscale, qui abaisserait à la fois le seuil de l'imposition directe et le niveau des cotisations sur salaire, pourrait relancer l'embauche de personnel peu qualifié, et, à terme, la nuptialité et la natalité. Michel Rocard l'avait engagée, avec le « déplafonnement » de la cotisation d'allocations familiales et la création de la CSG (cotisation sociale généralisée). Mais il a été remercié, après trois ans de contraintes intérieures et extérieures, sans avoir pu la mener à bien ni su l'expliquer aux Français.

Une grande politique de la population impliquerait redéploiement du prélèvement fiscal et social, adaptation de la laïcité républicaine au cas musulman, et aménagement du territoire grâce aux moyens modernes de communication.