Journal de l'année Édition 1992 1992Éd. 1992

Lors des élections législatives suédoises du 15 septembre, le Parti social-démocrate, au pouvoir entre 1932 et 1976 et à nouveau depuis 1982, a perdu 18 sièges. Les conservateurs en ont gagné 13 ; les libéraux et les centristes ont reculé, tandis que les populistes de la Nouvelle Démocratie ont réussi à faire élire 24 des leurs. Après la démission de M. Ingvar Carlsson, chef du gouvernement depuis 1986, M. Carl Bildt, président du Parti conservateur, a été nommé Premier ministre le 3 octobre. Il dirige une coalition comprenant les conservateurs, les libéraux, les centristes et les chrétiens-démocrates. Ces quatre formations détiennent seulement 170 des 349 sièges du Riksdag, mais ce gouvernement minoritaire est dans la tradition suédoise et devrait fonctionner.

Même si l'équipe sortante avait mené une politique partiellement conservatrice, le scrutin du 15 septembre traduit un déclin certain du modèle suédois. En effet, après avoir levé le contrôle des changes en juillet 1989, l'équipe d'Ingvar Carlsson avait procédé en 1990 à une réforme fiscale radicale en réduisant le taux moyen de l'impôt sur le revenu de 65 à 50 %. Elle avait également diminué les subventions à l'agriculture, réformé un système d'assurance-maladie beaucoup trop laxiste et déposé une demande d'adhésion de la Suède à la Communauté européenne le 1er juillet. Mais les résultats économiques ont été mauvais : en 1991, la production industrielle a chuté de 6 %, le produit national brut a diminué de 1 %, l'inflation a dépassé 9 % et, surtout, le chômage a fini par toucher 3,2 % de la population active, un chiffre considéré en Suède comme un véritable cataclysme.

Dans les pays nordiques, l'Islande est le seul où les sociaux-démocrates ont pu conserver le même nombre de sièges (10) au Parlement. Ce résultat a été obtenu à l'issue des élections législatives du 21 avril qui ont permis au Parti de l'indépendance (conservateur) de M. David Oddson de gagner 8 sièges. Le 29 avril, ce dernier a constitué un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates, qui gouvernaient depuis septembre 1988 avec les agrariens et les socialistes de gauche. Malgré ce succès des conservateurs, l'échiquier politique n'a pas été bouleversé, car le ministère précédent était parvenu à dominer l'inflation en diminuant le pouvoir d'achat.

C'est aux Pays-Bas que la gauche a subi sa plus grande défaite. Lors des élections provinciales du 8 mars, les candidats du Parti du travail ont connu non seulement leur plus grave revers depuis 1945, mais aussi leur cinquième échec électoral consécutif. Intervenu après la présentation d'un plan d'austérité draconien, ce très mauvais résultat des travaillistes n'a cependant pas remis en cause leur alliance gouvernementale avec les chrétiens-démocrates du Premier ministre Ruud Lubbers.

En Grande-Bretagne, depuis la démission de Mme Margaret Thatcher le 22 novembre 1990, les conservateurs ont quelque peu infléchi leur politique. Devant l'impopularité de la « poll tax », impôt local par capitation, le nouveau Premier ministre, M. John Major, a annoncé sa forte réduction pour l'année fiscale en cours et sa suppression en 1993. Malgré cette décision, les conservateurs ont subi une défaite aux élections locales qui ont eu lieu le 2 mai en Angleterre et au pays de Galles. À cette occasion, ils ont perdu plus de 6 % des sièges au profit des travaillistes et des démocrates-libéraux. La crise économique que traverse le Royaume-Uni s'est seulement ralentie, et le chômage a continué à augmenter.

En Irlande du Nord, la situation n'a guère évolué. L'Armée républicaine irlandaise (IRA) a encore frappé : le 7 février, elle a bombardé au mortier la résidence du Premier ministre, et, le 18 février, des attentats ont été commis dans deux gares londoniennes. Depuis 1983, c'était la première fois que l'IRA visait des lieux publics en Angleterre. Les premiers pourparlers entre catholiques et protestants depuis 1973, qui se sont tenus ensuite à Belfast du 17 juin au 3 juillet, n'ont pas abouti. Du 27 août au 12 septembre, des jeunes des banlieues d'Oxford, de Cardiff, de Birmingham et de Newcastle se sont livrés au vandalisme et ont affronté violemment les forces de l'ordre.

CEE + AELE = EEE

Depuis son unification, le 3 octobre 1990, l'Allemagne constitue un cas particulier. Elle a connu une année très tendue, surtout dans les territoires de l'ancienne RDA, où un chômage massif est apparu au cours des six premiers mois : en mars, on comptait ainsi 2 808 000 personnes sans emploi, dont 2 millions de chômeurs à temps partiel. La politique de privatisation hâtive menée par la Treuhand et l'exclusion du service public des anciens collaborateurs de la STASI ont contribué à renforcer le malaise dans les Länder orientaux ; mais la principale raison de cette dégradation du climat était le mépris trop souvent montré par les Allemands de l'Ouest (les Wessis) à l'encontre de leurs compatriotes de l'Est (les Ossis), auxquels ils voulaient imposer brutalement leur système économique et social. La tension a culminé le 1er avril avec l'assassinat à Düsseldorf de Detlev Rohwedder, président de la Treuhand, par des membres de la Fraction armée rouge. Peu après, le 12 avril, la Treuhand, la Confédération des syndicats (le DGB), l'opposition social-démocrate et le gouvernement ont décidé de coopérer pour résorber la crise.