Europe - 1

De Rome à Maastricht, la Communauté européenne a franchi en un an deux étapes capitales. Elle a jeté les bases d'une Union économique et monétaire et, plus modestement, amorcé un processus de définition de politiques communes en matière de relations extérieures et de défense.

Le grand dessein de l'année consistait à jeter les bases d'une Union économique et monétaire (UEM) et d'une Union politique. Tel était l'objet des deux conférences intergouvernementales lancées en décembre 1990 à Rome et conclues un an plus tard à Maastricht. L'objectif a été atteint lors de ce Conseil européen des 9 et 10 décembre, qui, malgré ses insuffisances un peu trop occultées, figurera parmi les dates marquantes de la construction européenne. Les chefs d'État et de gouvernement ont pris les décisions nécessaires pour doter la Communauté, au plus tard au 1er janvier 1999, d'une monnaie commune, l'écu.

En termes économiques, mais aussi politiques, c'est là une percée considérable qui vient compléter la politique de relance de la construction européenne engagée à partir de 1985-1986 avec la mise en œuvre du Marché unique. Celui-ci continue à se bâtir à un rythme satisfaisant, si bien que l'échéance du 1er janvier 1993 pourra être respectée. À Maastricht, les Douze ont aussi décidé de se doter progressivement d'une politique étrangère et de sécurité commune ; mais, en raison principalement de l'obstruction britannique, la tentative reste timide. De même que demeure modeste l'effort accompli pour renforcer les pouvoirs du Parlement européen, ou encore pour élargir le champ de compétences de la CEE.

Le « lifting » de la PAC

Au-delà de ce bilan globalement satisfaisant engrangé à Maastricht, les résultats de 1991 sont cependant pour le moins ambivalents : le climat communautaire, euphorique l'année précédente, a été assombri par une conjoncture maussade et, en particulier, par un retour en force du chômage. L'opinion a soudainement pris conscience que la construction européenne, présentée depuis cinq ans comme la panacée, ne pouvait être considérée comme une assurance tous risques.

À cette mauvaise situation économique sont venus s'ajouter, pour déconcerter les esprits, des troubles extérieurs graves – conflit du Golfe et crise yougoslave – d'autant plus préoccupants que la Communauté s'est révélée impuissante à avoir sur eux une quelconque influence. En termes de rapports de force, de prestige, les États-Unis, capables de déployer 500 000 hommes dans le désert d'Arabie, puis de s'y battre, ont marqué des points ; l'Europe en a perdu. La « Tempête du désert » et le général Schwarzkopf ont réussi à faire oublier l'endettement de l'Amérique et son lent déclin industriel. Les canons sont ainsi revenus au premier rang des attributs de la puissance. C'est pour remédier à une telle situation que la Communauté cherche à bâtir une politique étrangère et à accroître son autonomie en matière de défense. En attendant que cette tentative porte éventuellement ses fruits, elle est sortie amoindrie des turbulences de l'année écoulée, même si, dans plusieurs cas (assistance en faveur des Kurdes, médiation dans la crise yougoslave), ses interventions ont été jugées plus sévèrement qu'elles ne le méritaient.

Cependant, hors le programme de Maastricht, la Communauté n'a pas fait que subir des échecs. Son concours au redressement économique des pays de l'Est, puis de l'ex-URSS est sensiblement plus important que celui accordé par les États-Unis, même si ceux-ci, dont le modèle social et culturel fascine les nouvelles démocraties, se montrent plus habiles qu'elle à en tirer un profit politique. En dépit des polémiques qui naissent à propos de l'architecture de la nouvelle Europe et du rôle – le moins frileux possible – qu'elle devrait y jouer, elle paraît déterminée à envisager de manière constructive, mais avec sang-froid et sans précipitation, ses relations avec ses voisins du Vieux Continent.

Sur le plan interne, elle s'est montrée décidée à réformer en profondeur la politique agricole commune (PAC) qui fête cette année ses trente ans et éprouvait effectivement le besoin d'un sérieux « lifting ». Pour ne pas compromettre cette réforme, ambitieuse mais difficile à mettre en œuvre en raison du désarroi du monde paysan, elle n'a pas hésité à s'opposer aux Américains ainsi qu'aux autres grands producteurs qui, dans le cadre de l'Uruguay Round, se montraient très exigeants sans être prêts eux-mêmes à faire les concessions qu'impliquerait un accord équilibré. Du fait de cette querelle agricole, ces négociations commerciales multilatérales lancées en 1986 à Punta del Este (Uruguay) risquent de s'achever sur une rupture et d'empoisonner les relations économiques internationales, déjà affectées par la crise qui persiste aux États-Unis. C'est là une hypothèque sérieuse qui pèse sur 1992.

La percée de l'UEM

Le traité instaurant une Union économique et monétaire qui a été conclu à Maastricht, et que les Parlements des Douze doivent encore ratifier, représente assurément un succès méritoire pour la diplomatie européenne de la France, qui l'avait placé de manière presque excessive, comme on a pu parfois le penser, au premier rang de ses objectifs.