Les entreprises ont bénéficié de cet élan olympique. Plus de mille emplois ont été créés depuis 1986 et le taux de chômage de la Savoie est tombé à moins de 7 %. Mais les grands groupes français (Spie, GTM, Razel) ont racheté bon nombre d'entreprises de BTP de la Région. Quinze ans de travaux auraient été nécessaires, en temps normal, pour faire ce qui vient d'être réalisé en cinq ans. Cependant, l'ère de l'après-JO a commencé bien avant leur ouverture. Si la Savoie est désenclavée, les Jeux n'ont pas créé d'implantations économiques durables. Certaines des treize communes d'accueil ont concentré de lourds investissements sur une trop courte période et souffrent de surendettement. Brides-les-Bains (600 habitants), dont le budget de fonctionnement est de 15 millions de F, connaît un « trou » de près de 70 millions. Et les Savoyards de méditer sur l'expérience de Grenoble qui, vingt-trois ans après les JO de 1968, supporte encore le poids écrasant des installations olympiques.

DOM-TOM

Les émeutes qui ont ensanglanté la Réunion en février-mars 1991 ont mis en lumière les problèmes économiques et sociaux persistant dans les départements d'outre-mer (DOM).

Cinq ans après le vote de la loi Pons (1986) introduisant des mesures de défiscalisation, le ministre des DOM-TOM, M. Louis Le Pensec, espérait pouvoir y apporter les retouches nécessaires, à la lumière du rapport Ripert publié en juin 1990. En fait, c'est tout le système d'aide économique et social qui est à repenser. Depuis la loi de départementalisation de 1946, conçue pour faire sortir les anciennes colonies de leur passé esclavagiste, les départements d'outre-mer se sont transformés. Mais est-il possible de concilier leur appartenance à la communauté nationale et le respect de leur spécificité ? Les décalages avec la métropole se résorbent-ils ou s'aggravent-ils ?

La scolarisation révèle les progrès accomplis : de 1958 à 1988, les élèves de l'enseignement secondaire sont passés de 5 200 à 52 000 en Guadeloupe, de 830 à plus de 10 000 en Guyane, de 3 800 à 46 700 en Martinique, de 2 100 à 72 500 à la Réunion. Les DOM sont, en même temps, entrés dans l'ère de la consommation de masse : le parc automobile a été multiplié par 13 en Guyane, par 7 en Martinique et par 19 à la Réunion. Parallèlement, la population a plus que doublé et s'accroît au rythme de 2 % l'an. 37 % des habitants ont moins de 20 ans et seule l'émigration vers la métropole maintient la croissance démographique dans des limites raisonnables. La désorganisation de la société de plantations accompagne la départementalisation ; les secteurs productifs disparaissent ; les importations sont dix fois plus fortes que les exportations ; les enfants quittent la terre et deviennent fonctionnaires ; le secteur tertiaire est hypertrophié.

Les taux de chômage oscillent entre 20 % (aux Antilles) et 35 % (à la Réunion), tandis que la facture nette se monte, pour la métropole, à 20 milliards de F. Le SMIC réunionnais est inférieur de 20 % à celui de la métropole, mais il est dix fois plus élevé que les salaires versés aux Comores et à Madagascar, tout proches. Les DOM rêvent du Grand Marché unique de 1993 et des capitaux qui viendront de Bruxelles ; mais l'intégration européenne suppose aussi la remise en cause de l'« octroi de mer », qui taxe les produits entrant dans les DOM et qui rapporte 2,5 milliards de F par an aux collectivités locales.

La Martinique survit à 75 % grâce au budget français, qui lui assure un niveau de vie et des prestations sociales sans commune mesure avec ce qui est pratiqué dans les Caraïbes. En revanche, le haut niveau des salaires fait perdre sa compétitivité à l'île, qui voit son agriculture mourir lentement et connaît un taux de chômage proche de 30 % malgré le grand nombre de fonctionnaires. Lancée sur l'initiative de la Chambre de commerce et d'industrie martiniquaise (CCIM), l'opération « Confluences 91 » devait amener les Martiniquais à élaborer eux-mêmes un véritable livre blanc pour sortir l'île du marasme économique. La volonté de fabriquer sur place tout ce qui peut l'être (alors que les exportations ne couvrent que 15 % des importations), le constat des insuffisances quantitatives et qualitatives de l'infrastructure hôtelière (prix élevés, prestations médiocres) sont souvent évoqués. Et l'on reparle du « Marché commun des Caraïbes », associant Martinique, Guadeloupe et Guyane...