Il est des cas, pourtant, où la peinture moderne continue de bien se vendre. Ainsi, quand une collection ancienne, vierge de toute enchère et constituée par un vrai connaisseur, arrive sur le marché, les enchères ne se font pas attendre. Ce fut notamment le cas au printemps, lors de la vente Hoppenhot dirigée par Me Binoche, qui adjugea une Guitare de Juan Gris au prix record de 14 595 000 F. Le peintre cubiste était aussi la vedette de la collection Raynal, chez Me Briest, en novembre, où son Portrait de Germaine Raynal obtint 9 787 000 F.

Du côté des tableaux anciens, les spécialistes ont beau vanter les motivations pures et nobles de leurs acheteurs, il reste que la spéculation avait commencé à sévir, là aussi, en 1989-1990. Par voie de conséquence, la récession s'est fait sentir, et la moisson a été bien faible, mis à part le record « in extremis » remporté le 13 décembre à Londres, chez Christie's, par un tableau du Titien, Vénus et Adonis, adjugé 74 millions de F. On trouve ensuite un triptyque italien du xive s. à fond or, par Taddeo Gaddi, cédé 19 860 000 F à Londres ; suivi par une vue de la Piazza Navona, par Bellotto (début xviiie s.), qui a obtenu 12 876 000 F à Monaco.

Le fait marquant, curieusement, fut la collection Marcos, dispersée à New York au printemps, formée pourtant de choses assez médiocres ou en mauvais état. Un Couronnement de la Vierge de Greco (abîmé) fut emporté à 11 800 000 F, un Portrait de Jules Romain par Titien fut vendu 5 600 000 F, et une minuscule Sainte Catherine par Raphaël (en piètre état également) fut poussée jusqu'à 8 430 000 F ; le tout par des marchands italiens qui, eux, restent très acheteurs. D'ailleurs, actuellement, les tableaux italiens se vendent nettement mieux que la peinture flamande ou hollandaise.

Mais le fait le plus surprenant fut la vente de ces quatre portraits (datant du xviiie s.) de la collection Polo, par Vigée-Lebrun, Oudry, Lancret et Perroneau, qui, en 1988, n'avaient pas trouvé preneur entre 2 et 5 millions, ...et qui furent cédés en novembre de cette année à moins du tiers de leurs estimations d'alors. Les amateurs détestent qu'on leur resserve deux fois les plats...

Rien de tel du côté des dessins anciens, si ce n'est quelques « ravalos » dus à des vendeurs trop exigeants. Mais, dans l'ensemble, les prix ne fléchissent pas (...encore ?). On a même obtenu un nouveau record à 6 160 000 F à Londres pour une Jeune Femme dans un jardin avec sa fillette, jolie sanguine et pierre noire de Gainsborough. Et plusieurs enchères au-dessus du million pour des Fragonard, Hubert Robert, Boucher, Poussin...

Garez-vous des voitures

Ces dernières années, le sport favori des acquéreurs de belles voitures n'était pas le pilotage, mais plutôt la course aux enchères. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les Ferrari, cible préférée des spéculateurs, subirent le sort des tableaux de maître ; en plus brutal, car ce marché-là est évidemment plus étroit. Les stars de Maranello, que les amateurs européens et japonais se disputaient entre 5 et 15 millions, ne trouvèrent plus preneur au quart de ce prix. Exemple : le « superbide » d'une vente de haut de gamme au Palais des Congrès, en décembre, où deux Ferrari estimées à plus de 25 MF sont restées sur le tapis, comme d'ailleurs 12 des 14 autres véhicules proposés. Toutefois, en descendant quelques vitesses, le marché de l'automobile moyenne gamme semble avoir amorcé sa convalescence. À des prix revus à la baisse de plus de moitié.

Ce qui n'est pas le cas au rayon des meubles : le mobilier médiocre, banal, ou simplement classique, ne trouve plus preneur (depuis longtemps). Plusieurs ventes de meubles d'acajou Empire/Restauration se sont soldées par de quasi-désastres. Seule la vente Castille, à Versailles, de mobilier Charles X en bois clair et de provenance souvent historique, a connu un succès estimable, mais nullement un triomphe. En revanche, le beau xviiie haut de gamme, bien estampillé, et de provenance royale ou princière de préférence, se vend sans problème, convoité à la fois par les grands antiquaires parisiens en quête de « marchandise » rare et par quelques collectionneurs et musées étrangers. Ainsi la vente Polo (vente forcée, il est vrai) s'est-elle déroulée sans accident avec, en point d'orgue, les 23 millions (23 690 000 F avec les frais) offerts par le banquier Jean-Marc Ventes pour le sene-bijoux de Marie-Antoinette ; et, à Monaco, en juin, une commode de Riesener ayant elle aussi appartenu à la reine a pu être adjugée 9 200 000 F.