Une telle flexibilité confère à l'Arabie Saoudite un rôle régulateur irremplaçable : elle corrige les écarts de la demande ; elle comble facilement d'éventuels et inopinés déficits d'offre, et, surtout, elle casse les oscillations répétées du cours du pétrole. Son influence dans le domaine de la désinflation et dans la reprise de l'économie mondiale n'a pas pu être négligée.

Pour toutes ces raisons, il est apparu qu'un an après l'invasion du Koweït le prix du brut revenait exactement au même niveau qu'en juillet 1990, soit à 18,5 dollars pour le prix moyen d'importation en France. Cependant, la crise du Golfe a fait prendre conscience aux pays consommateurs, surtout occidentaux, que leur dépendance vis-à-vis du pétrole n'avait pas du tout disparu. Les pays qui, comme la France avec le nucléaire, avaient recherché la diversification énergétique, ont même pu constater que les produits pétroliers étaient toujours irremplaçables pour leurs emplois captifs, à savoir les transports.

La crise a donc relancé l'intérêt à l'égard des économies d'énergie et surtout des technologies nouvelles comme la voiture électrique et la cogénération (c'est-à-dire la production combinée de chaleur et d'électricité propres à faire face aux pointes hivernales), sans compter qu'au point de vue écologique ces solutions doivent être encouragées. Il est également recommandé de faire appel au charbon, si son utilisation est propre, et surtout au gaz, de plus en plus prisé pour ses avantages. Sa consommation croît désormais de 6 % l'an, trois fois plus que celle des autres énergies.

Gilbert Rullière

Matières premières

Dès le premier trimestre 1991, les cours de l'ensemble des matières premières, hors pétrole, baissaient de 20 % par rapport à ceux de la même période en 1990. La crise du Golfe et l'insolvabilité de nombreux pays ont déstabilisé les marchés de produits de base, atteints de plein fouet par le ralentissement de la demande et de la croissance dans les pays industrialisés.

Les pays du tiers-monde comme les pays de l'Est – Union soviétique en tête –, grands fournisseurs de matières premières alimentaires et industrielles, ont vu leur situation se détériorer sérieusement. En outre, ce marasme s'est aggravé par l'incapacité des grandes puissances à s'entendre sur l'organisation et le développement des échanges commerciaux dans le cadre du GATT et à garantir ainsi aux produits du tiers-monde un accès satisfaisant au marché.

Surplus, excédents et braderies

En règle générale, la chute des cours a affecté beaucoup moins les matières premières industrielles que les denrées agricoles (de l'ordre du simple au double). Pour les denrées alimentaires, elle tient soit à la surproduction quasi permanente face à une stagnation de la demande, soit à une accumulation vertigineuse des stocks mondiaux : pour le cacao, le café et le sucre, les cours n'ont jamais été aussi déprimés. Sur les marchés des céréales, les surplus et les difficultés d'écoulement ont pesé sur les prix, ce qui a fait souffrir aussi bien les pays riches que les pays pauvres.

Une telle baisse des prix des denrées tropicales contraint les producteurs les plus défavorisés à adopter des solutions dangereuses pour la communauté internationale, comme la culture du pavot ou du coca. Les économies du Sud sont non seulement déstabilisées par la crise persistante des matières premières, mais encore ne peuvent espérer se développer, faute de pouvoir compter sur des recettes d'exportation suffisantes parce que trop dépendantes de produits dépréciés et instables.

Pour les matières premières industrielles comme le coton ou la laine, les excédents ont entraîné une dégradation des cours pendant l'année (notamment en Australie) sans pour autant relancer la consommation mondiale, en constant recul. De même, la récession de l'industrie automobile, donc du pneumatique, a affecté les cours du caoutchouc naturel. Quant aux métaux non ferreux, la plupart ont perdu du terrain tout au long de l'année (sauf l'étain et le cobalt).