Dominique Colson

Bourse

1991 a encore été pour la Bourse une année tourmentée. Fin décembre, la plus-value, qui était, avant le 14 novembre, de 22 % selon l'indice de référence CAC 40, n'est plus que de 12 % (indice = 1 700,00). Ce qui reste, jugera-t-on, décevant après les chocs de 1990, mais qui est objectivement satisfaisant, puisque, tout compte fait, l'investissement en actions a été meilleur que l'indéfectible placement en SICAV monétaires (autour de 8,85 %) et aussi judicieux que celui fait sur les obligations sensibles (autour de 9,60 %).

De fait, après la victoire fulgurante des alliés sur l'Irak, la situation portait de multiples espoirs : corriger les excès que la panique avait engendrés dès l'annonce de l'annexion du Koweït ; lever les réticences des consommateurs et des entrepreneurs engendrées par l'incertitude dans laquelle le sort des armes avait tenu ces agents économiques ; renouer avec la croissance, particulièrement aux États-Unis, où la récession avait sévi dès avant les événements.

Les politiques d'assainissement, surtout en Allemagne, chez qui la hantise d'un emballement de la machine économique et des prix l'emportait sur toute autre considération, ajoutaient l'espérance que l'inflation serait mieux contrôlée et dominée. L'anticipation était que le taux de l'argent long, puis court, devait baisser presque partout dans le monde. La France, devant la réussite de la rigueur, présentait les chances les plus sérieuses, jusqu'à pouvoir enfin se comparer à l'Allemagne, hier parangon de la vertu financière, aujourd'hui occupée à construire une réunification onéreuse, mais irréversible.

Sur ces points, il n'y a pas eu d'erreurs. La désescalade des taux longs a bien eu lieu. Ils sont passés, en France, de 10,40 % en septembre 1990 à 9,40 % en avril 1991, pour se stabiliser ensuite autour de 8,85 %. Avec une inflation de 3,2 %, le rendement net est donc chez nous de 5,60 %. Voilà qui est excessif, surtout si l'on sait que le taux en Allemagne est de 8,40 %, avec une inflation proche de 4 %.

Pourquoi n'avons-nous pu faire mieux ? Parce que notre politique monétaire au jour le jour pour garantir la valeur du franc à l'intérieur du SME, nous oblige à nous aligner sur celle de la Bundesbank et nous interdit de baisser, de manière indépendante et volontariste, le prix de l'argent à court terme, qui se situe toujours aux environs de 10 %.

La seconde contrainte de la France et de presque tous les autres pays est de jauger leur santé sur l'apathie ou la vigueur de l'économie américaine, mais le frémissement attendu à la fin du conflit du Moyen-Orient ne s'est pas produit.

Une telle conjoncture, qui ne devrait pas alarmer, est pourtant vécue dans l'émotion et l'incohérence. La sensibilité des marchés s'accroît d'une semaine à l'autre, d'une heure à l'autre, d'une information à l'autre. Elle est explicable, non par l'économie, science déjà difficile, mais par la psychologie, encore plus incertaine. Les économies semblent ne plus répondre aux stimulations qui d'ordinaire les propulsent : le différé peu à peu apparaît comme impossible. La division de la planète en deux blocs, l'un bon et l'autre mauvais, disparaît, et l'Europe, dont la formation s'accélère, à la fois exalte et inquiète. Les citoyens, d'où qu'ils soient, comptabilisent ce qui est perdu et ne voient pas encore ce qui sera gagné.

Cette conjonction aboutit à ce que Paris est, à la fin de 1991, une place sous-estimée, dans l'étroite mesure où elle sous-estime elle-même, de façon irrationnelle, ses capacités d'avenir. Les taux doivent continuer de baisser en 1992, avec des inflations également en baisse ; la reprise économique s'amorcera certes de manière lente mais inévitable, accompagnée d'une progression plus nette des bénéfices des sociétés. Le calendrier, lui, est imprécis. C'est là que le bât blesse.

Édouard Mattei

Épargne

Les français ont recommencé un peu à épargner. En 1991, ils ont mis de côté 12,7 % de leurs revenus, contre 11,7 % seulement en 1987. Les craintes des ménages engendrées par les incertitudes de la crise du Golfe, la moindre progression de leur pouvoir d'achat et les restrictions apportées au crédit ont favorisé la constitution d'une épargne de précaution.

Pénurie mondiale

Les taux d'intérêt attractifs, les faveurs fiscales et la sécurité restent les trois éléments déterminants de l'orientation de l'épargne. En période d'incertitude, les épargnants préfèrent les placements liquides et sans risque (d'où le succès des SICAV à court terme, principalement monétaires, qui ont dépassé les 1 000 milliards de F – contre 400 milliards en 1987). Ces mêmes épargnants ont également manifesté leur engouement, en raison de ses conditions attractives, pour un produit d'épargne longue, le PEP (Plan d'épargne populaire), créé l'an dernier et dont la collecte a vivement progressé (105 milliards de F en décembre 1990, 150 milliards en mai), davantage pour les PEP bancaires que pour les PEP assurances.