La croissance soutenable

Afin que puisse perdurer la croissance, il faut imposer le mariage de raison de l'économie et de l'écologie.

La multiplication et l'aggravation des atteintes portées à l'environnement commencent à susciter de grandes inquiétudes. En effet, même si ces agressions ne menacent pas à court terme la survie de la planète, elles peuvent bloquer la croissance de l'économie parce que nous sommes en présence d'une interdépendance totale, la croissance économique étant bien souvent jugée responsable de cette dégradation. L'inquiétude écologique provoque alors une réflexion sur la nécessité d'adopter une nouvelle forme de croissance, plus durable ou plus « soutenable », soucieuse de ménager, pour les générations futures, un capital naturel – renouvelable ou non renouvelable – déjà bien entamé.

L'inquiétude écologique

Le pessimisme foncier affiché en matière écologique ne se justifie pas tant par les conséquences souvent dramatiques des grandes catastrophes naturelles, chimiques, nucléaires, pétrolières, ou encore « stratégiques » (comme celle qu'a provoquée l'incendie des puits de pétrole au Koweït à l'issue de la guerre du Golfe) que par les effets souvent irréversibles de « la globalisation (ou mondialisation) de la crise écologique ».

Par cette expression, on veut attirer l'attention sur le fait qu'à l'heure actuelle aucune ressource, aucun milieu naturel, aucun secteur d'activité, aucun pays même, qu'il soit ou non industrialisé, ne peut éviter de subir une profonde détérioration de son environnement. Si l'inventaire de ces dommages était dressé, l'état de la planète apparaîtrait plutôt désastreux.

En effet, entre la multiplication des atteintes déjà anciennes portées à l'environnement et l'apparition de nouvelles agressions, la tendance à la dégradation du capital naturel s'est à la fois aggravée et accélérée. Cette dégradation a été longtemps attribuée à des pollutions chimiques, industrielles ou ménagères à caractère local que l'on pouvait combattre par des moyens techniques. Aujourd'hui, les effets des pollutions se manifestent à l'échelle de la planète entière : émissions de gaz nocifs réchauffant l'atmosphère (« effet de serre »), déforestations modifiant le régime des pluies et fragilisant les sols et les écosystèmes, ou encore détérioration de la couche d'ozone qui protège la vie terrestre... Mais on constate également les méfaits de la déprise de l'espace rural due à l'intensification de la production et ceux de l'emploi de plus en plus intensif d'engrais azotés et de pesticides.

Aujourd'hui encore, on a tendance à considérer les pays industrialisés comme les principaux pollueurs. Or les pays pauvres ou les pays en voie d'industrialisation commencent à être sérieusement affectés par la dégradation de leur environnement pour des raisons économiques ou sociales.

On remarque ainsi que, entravées par le poids des réglementations antipollutions appliquées dans leur pays d'origine, les industries polluantes se délocalisent dans des pays qualifiés de « paradis écologiques » à cause de leur réglementation laxiste ou même inexistante, ces derniers favorisant l'installation de telles activités dans un souci de développement économique. Pour les mêmes raisons, des pays en voie de développement adoptent des modèles d'agriculture industrielle dévastateurs pour leur environnement forestier ou surexploitent leurs ressources naturelles jusqu'à leur épuisement total afin de pouvoir faire face aux charges liées à leur dette extérieure. Enfin, le développement économique donne naissance à des agglomérations monstrueuses et inorganisées où les pollutions diverses, sévissant de manière endémique, ne peuvent plus être éliminées.

Parce que les effets de la dégradation de l'environnement se manifestent partout, indépendamment du niveau de développement, et que la crise atteint une très grande ampleur, on parle désormais de globalisation (ou de mondialisation) de la crise écologique. Dès lors, on est logiquement amené à se demander quelle est la part de responsabilité de la croissance économique dans ce phénomène.

La responsabilité de l'économie

En constatant les dommages causés à l'environnement, on serait tout naturellement tenté de les attribuer aux producteurs, accusés de ne pas prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher pollutions et nuisances. Cette vision simpliste permet malheureusement de dissimuler la responsabilité d'autres acteurs, comme celle du consommateur, qui, par ses choix, peut également contribuer à la pollution. En réalité, la dégradation de l'environnement résulte surtout de ce que l'on appelle les défaillances du marché et des déficiences ou de l'inefficacité de l'intervention publique.