À Pontault-Combault, le Centre photographique d'Île-de-France s'ouvre avec six « sténopistes » et le musée Niepce de Chalon-sur-Saône révèle enfin ses inestimables incunables au palais de Tokyo, où la mission du Patrimoine accueille la donation André Kertész. Parallèlement, Jacques-Henri Lartigue fête au Grand Palais un demi-siècle de vacances au bord de la mer et le musée d'Orsay célèbre l'univers familial, typiquement victorien, de lady Hawarden. Mais, en province, l'événement est surtout la première biennale de Marseille, qui réunit dans vingt lieux les meilleurs représentants de la photo mise en scène et plasticienne, ainsi que treize galeries nationales et internationales. À Arles, Agnès de Gouvion-Saint-Cyr, nommée directrice par intérim, apure le déficit de 3 millions et met sur pied un programme consacré en priorité aux pays de l'Est. Le journaliste Louis Mesplé lui succède pour l'édition 1991.

À Paris, Jean-Luc Monterosso confirme pour 1992 l'ouverture d'une maison européenne de la photographie ; le CNP, à bout de souffle, expose les Indiens de Curtis et Werner Bischoff et le musée d'Art moderne, fort discret, rend hommage au vétéran américain Harry Callahan. Aux États-Unis, le tumulte occasionné par les expositions de Robert Mapplethorpe fait bondir la cote de ses œuvres. À Barcelone, la troisième « Primavera », animée par David Balsells, se place résolument dans une perspective européenne. À Charleroi, une triennale décapante, conçue par Georges Vercheval, mise sur des inconnus. À Rotterdam, la deuxième biennale, dirigée par Bas Vroege, démontre qu'il est possible de montrer autrement le reportage. À Budapest, le Festival de la photo de mode est un succès. Enfin, le triomphe de l'année est celui du sixième « Mois de la photo », organisé par Paris Audiovisuel et dédié à Roland Barthes.

Les expositions sur le Japon de l'entre-deux-guerres, celles de Boubat, Lewis Hine et Bill Brandt accueillent un public largement informé par les médias. Le prix Niepce récompense le Suisse Hugues de Wurstemberger. Si Giovanna Minelli, Christian Bouqueret et Marie-Claire Lebon ouvrent de nouvelles galeries, le studio 666 de Carol-Marc Lavrillier ferme ses portes après dix ans d'activité. 1990 aura aussi vu la disparition des photographes Norman Parkinson, Daniel Boudinet, Hans Namuth et de Roméo Martinez, critique et historien de l'image fixe.

Patrick Roegiers

Architecture

Le monde des historiens de l'architecture est doublement en deuil, cette année, après le décès d'André Chastel, dont les écrits ont beaucoup fait pour la compréhension historique de l'art de bâtir, et d'Anatole Kopp, qui fut le premier, en France, à se pencher sur le bouillonnement d'idées modernes des années qui suivirent la Première Guerre mondiale. Avec ce dernier a disparu un ardent défenseur de la doctrine rationaliste et un farouche adversaire du courant postmoderne et du néoclassicisme.

Une certaine ironie du sort a voulu que le Pritzker Prize couronne au même moment l'Italien Aldo Rossi, qui s'est affirmé depuis vingt ans comme l'une des figures de proue du postmodernisme. Une syntaxe formelle novatrice, fondée sur une relecture de l'histoire mais aussi sur une critique sévère des oukazes et des dogmes du style international, se voit portée au pinacle de ce véritable Nobel de l'architecture. Les idoles des jeunes générations d'architectes sont ainsi admises au panthéon de cette honorable institution qui, déjà, s'était ouverte en 1989 aux « seventies » en couronnant l'inclassable Frank Gehry. Le turbulent architecte californien vient d'ailleurs de présenter son projet pour le nouvel American Center de Paris, qui sera, selon lui, un genre d'« Américain à Paris » sur un mode architectural frais, tonique comme un numéro de claquettes de Gene Kelly, une interprétation de Paris n'excluant pas les clichés naïfs et complices.

La capitale aura donné l'occasion à Henri Gaudin de nous présenter deux nouvelles facettes de son talent. Aux Archives de la ville, qu'il a réalisées avec son fils Bruno à deux pas de l'hôpital Robert-Debré de Pierre Riboulet, il nous offre un enchâssement de volumes différenciés qui trouve son unité dans l'usage de la faille et de l'interstice, à l'instar de la ville dont l'homogénéité du tissu se tisse selon le réseau strié de ses rues. Le référentiel urbain semble avoir été voulu pour cet édifice dont la fonction sera justement d'être une mémoire de la ville.