Les enjeux de l'Éducation nationale

La France va devoir consentir un effort considérable si elle veut rendre son système éducatif capable de relever les défis qui lui sont lancés.
Soucieux des enseignants comme de renseignement, le gouvernement a choisi un programme ambitieux.

La revalorisation des carrières des enseignants (des instituteurs aux universitaires) et la loi d'orientation sur l'éducation sont les deux gros dossiers qui ont dominé une année particulièrement riche en péripéties dans le domaine de l'Éducation nationale.

En faisant de l'éducation la priorité de son second septennat et en reprenant à son compte le projet d'augmenter considérablement le nombre des bacheliers, M. François Mitterrand avait pris un engagement solennel pendant sa campagne électorale. Celui-ci avait été aussitôt confirmé, de façon spectaculaire, par la nomination au ministère de l'Éducation, au rang de ministre d'État, d'une personnalité politique de premier plan, M. Lionel Jospin, ancien premier secrétaire du parti socialiste.

Mais, paradoxalement, ces éléments positifs ont été à l'origine des principales difficultés qu'a rencontrées le gouvernement pour mettre en œuvre cet ambitieux programme. D'une part, les promesses présidentielles avaient fait naître chez les enseignants des espoirs qu'il était bien difficile de ne pas décevoir ; d'autre part, la présence, rue de Grenelle, d'un responsable politique présenté comme un possible rival du Premier ministre pour la succession du président de la République allait compliquer sensiblement la tâche du gouvernement pendant les premiers mois de l'année.

Un effort considérable

Cette contradiction est apparue aussitôt sur une question de tactique. Fallait-il lier les deux dossiers de la revalorisation des carrières et de la rénovation de l'école, pour faire pression sur les enseignants et montrer à l'opinion les véritables enjeux, comme le préconisait le Premier ministre ? Ou donner d'abord satisfaction aux enseignants, pour les remobiliser avant d'aborder la réforme de l'école, comme le souhaitait le ministre de l'Éducation ? Tandis que Michel Rocard était surtout soucieux des réactions des parents d'élèves, Lionel Jospin se montrait attentif à l'état d'esprit des enseignants, dont il se sentait très proche.

Ce débat se trouvait avivé par les contraintes budgétaires qui pesaient sur le gouvernement. Il est en effet apparu rapidement que les hypothèses de croissance du budget de l'Éducation nationale qui avaient été primitivement retenues seraient insuffisantes pour permettre à la fois d'accueillir un nombre beaucoup plus grand d'élèves et d'étudiants et de réévaluer sensiblement le niveau de vie des enseignants. D'où l'idée, émise par le Premier ministre, de lier les augmentations de salaires à la création de nouveaux corps d'enseignants, dont les obligations de service seraient renforcées, et à un système de primes, permettant de rémunérer en complément des tâches spécifiques ou des situations professionnelles particulièrement difficiles. La logique de ces propositions était claire : puisqu'on ne peut augmenter tout le monde de façon significative, remédions, dans l'immédiat, aux situations les plus injustes et faisons porter l'effort sur l'avenir.

Au cours des prochaines années, en effet, la France aura à assumer un effort considérable de recrutement de professeurs (400 000 postes à pourvoir en 10 ans) pour assurer la prolongation de la scolarité et pour compenser les départs à la retraite des générations massivement recrutées dans les années 60 et 70. La première urgence est donc de rendre plus attrayante la profession d'enseignant pour ceux qui vont entrer dans la carrière. Ceux qui sont déjà en fonction devront se contenter d'ajustements ponctuels. La création de nouveaux corps avait en outre l'avantage d'éviter que des augmentations indiciaires n'aient des répercussions sur l'ensemble de la fonction publique.

Une opposition résolue

Dès qu'elles sont connues, notamment par une interview du Premier ministre dans le Monde de l'éducation de janvier 1989, ces propositions soulèvent une tempête de protestations de la part des enseignants. Ceux-ci ne comprennent pas qu'après avoir publiquement reconnu que leur profession était dévaluée, le gouvernement ne procède pas d'abord à une revalorisation générale de leurs rémunérations. L'idée qui les choque surtout est que les augmentations dont ils doivent bénéficier puissent prendre la forme d'indemnités liées à des prestations ou à des situations particulières.