En 1984, un couvent de carmélites polonaises s'installe dans l'ancien théâtre adossé au mur extérieur du camp de concentration d'Auschwitz I. Cette présence des religieuses chrétiennes émeut les milieux juifs, qui considèrent que, haut lieu de l'holocauste du peuple juif, l'ensemble des camps d'Auschwitz doit rester, selon les exigences bibliques, un lieu de silence.

À deux reprises, le 22 juillet 1986 et le 22 février 1987, des personnalités chrétiennes et israélites réunies à Genève se mettent d'accord sur un protocole de transfert du couvent en dehors du site occupé. La date ultime est fixée au 22 février 1989 ; or, le jour venu, rien ni personne ne bouge. Le temps passant, la fièvre monte : en juillet, un commando de juifs américains vient à Auschwitz manifester son mécontentement ; il est reçu « fraîchement ». Théo Klein, ancien président du Conseil représentatif de la communauté juive de France (CRIF), préconise alors le gel des relations judéo-catholiques, ce qui suscite une déclaration apaisante du cardinal Macharski, archevêque de Cracovie.

Mais l'atmosphère reste lourde et le pape garde le silence. Le 26 août, à Czestochowa, le cardinal Glemp, primat de Pologne, appuyé par les masses catholiques polonaises, qui se souviennent qu'à Auschwitz nombre des leurs ont également péri, prononce un très ferme discours qui remet en cause l'accord de Genève, déclaré « caduc ». L'épiscopat se divise aussitôt ; le cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, l'un des principaux signataires de l'accord de Genève, va jusqu'à contester publiquement l'archevêque de Varsovie. Il faut, le 19 septembre, l'intervention du Vatican pour que les passions s'apaisent. Provisoirement, du moins, car, à la fin de l'année, on en est toujours au statu quo.

Difficultés avec l'islam

Le 4 mars, quelques semaines après l'appel au meurtre lancé par l'imam Khomeyni contre Salman Rushdie, l'auteur des Versets sataniques, le Vatican critique officiellement « la part d'irrévérence et de blasphème » contenue dans le livre de l'écrivain britannique.

Cette intervention illustre les difficultés grandissantes qu'éprouvent les pays de civilisation chrétienne à maîtriser un phénomène récent : l'installation massive en Europe (plus de 3 millions de personnes en France) de communautés musulmanes. La construction de mosquées provoque, au sein des municipalités, des débats souvent contradictoires et orageux. En France, au début d'octobre, les médias, s'emparant d'un événement d'apparence mineure – l'interdiction du port du voile dans les classes signifiée à trois élèves musulmanes du collège de Creil –, lancent dans l'opinion un débat sur les rapports entre la laïcité républicaine et la tolérance démocratique.

Pierre Pierrard

Justice

La politisation gagne le corps judiciaire. Après la très conservatrice Association professionnelle des magistrats (APM), la modérée Union syndicale des magistrats fustige dans son livre blanc Des nominations et des hommes les manipulations politiques au sein de l'institution judiciaire et la faveur récente mais marquée du gauchiste Syndicat de la magistrature. Ce dernier argue de sa nette progression aux élections professionnelles tenues du 16 au 25 mai, qui traduisent aussi la prépondérance constante de l'USM et le recul de l'APM. Magistrats et fonctionnaires de justice, tous syndicats confondus, se retrouvent pour désapprouver publiquement, le 13 juin, la politique menée par M. Arpaillange. Unanimement réclamée, mais aussi toujours différée, la réforme du statut des magistrats semble enfin devoir être prise en considération.

Lors des troisièmes Rencontres internationales des avocats réunies les 13 et 14 octobre, le directeur du cabinet du garde des Sceaux annonce la prochaine soumission en Conseil des ministres d'un projet de loi organique. La réforme contribuera-t-elle à enrayer l'actuelle crise du recrutement des magistrats, reconnue même par M. Arpaillange ?

Alors que l'examen parlementaire des nouvelles dispositions du Code pénal débute, la commission « Justice pénale et droits de l'homme » rend public, le 6 novembre, son rapport préliminaire sur la réforme de l'instruction. À l'occasion du Bicentenaire, la grâce présidentielle « se veut plus généreuse mais pas plus spectaculaire », selon la Chancellerie, qui évalue ses bénéficiaires à un peu plus de 3 000 détenus. Alors que magistrats et surveillants de prison avancent le chiffre de 5 000 libérations, l'agitation carcérale traduit la déception des intéressés. Puis, c'est au tour des gardiens de signifier cette année encore leur mécontentement au gouvernement, à l'avantage duquel le bras de fer engagé finit par tourner.