Mais on peut rajeunir son répertoire plus simplement, en revenant aux sources, en se laissant influencer par la vague de musique extra-européenne (jazz, rythmes zoulous et latino-américains) qui déferle sur le continent, ou encore en ayant le sens de l'opportunité. Les Français qui durent (M. Sardou, J. Hallyday, J. Higelin, F. Cabrel, A. Souchon, B. Lavilliers, etc.) ont affronté les Anglo-Saxons (Rolling Stones, P. MacCartney, L. Reed, Joe Coker, David Bowie, R. Newman, etc.) venus courir en France un marathon passéiste, aux accents quelque peu revanchards, à peine désorganisé par les feux de paille de l'Acid House et de la Lambada.

Catherine Michaud-Pradeilles

Cinéma

La fréquentation dans les salles françaises s'est stabilisée (éd. 1989). En attendant les résultats définitifs, on peut tabler, fin décembre, sur 123 millions d'entrées environ. Le sommet du box-office est, encore une fois, trusté par les grosses machines américaines : Indiana Jones et la dernière croisade, de Steven Spielberg, et Rain Man, de Barry Levinson.

L'année du Bicentenaire a donné lieu à un certain nombre de rétrospectives. Le spectateur a eu la confirmation que la quasi-totalité des films, tournés tant en France qu'à l'étranger, étaient hostiles aux thèses de la Révolution. La Marseillaise, de Jean Renoir (1938), est un des rares films qui dérogent à cette règle. Le film officiel du Bicentenaire, la Révolution française (en deux parties de 2 h 50 chacune : les Années lumière, tournées par le Français Robert Enrico, et les Années terribles, mises en scène par l'Américain Richard T. Heffron), ne réussit guère à briser les archétypes. Et le cinéma se contenta de broder sur les « à-côtés » – notamment sur ce fameux « esprit xviiie siècle » – avec les Liaisons dangereuses, de Stephen Frears, et Valmont, de Milos Forman, adaptations américaines de l'œuvre de Choderlos de Laclos, mais aussi Marquis, de Henri Xhonneux, et Tolérance, de Pierre-Henry Salfati. Ces deux dernières créations, françaises, sont des fantaisies hautement baroques : la première aborde quelques semaines de l'emprisonnement de Sade à la Bastille, juste avant le 14 juillet 1789 ; la seconde montre les « excès » vestimentaires des Incroyables et des Merveilleuses.

Les difficiles relations entre hommes et femmes constituent le grand thème de l'année. La Palme d'or cannoise, Sexe, mensonges et vidéo, premier film de Steven Soderbergh (États-Unis), donne le ton. La vie d'un couple est perturbée par la venue d'un ami du mari. L'invité souffre d'impuissance et ne peut se satisfaire qu'en filmant les confessions des femmes. Derrière cette intrigue, le cinéaste met en cause le système moderne de communication qui a « déresponsabilisé » les citoyens. Tout passe maintenant par l'écran de télévision, le téléphone, les messageries roses. Le Polonais Krzysztof Kieslowski dresse, dans Brève histoire d'amour, un bilan tout aussi pessimiste : un adolescent guette sa voisine à la lunette, mais, quand elle se trouve face à lui, il perd ses « moyens ».

D'autres cinéastes de talent envisagent cette problématique à l'intérieur de couples constitués ou en voie de l'être : Quand Harry rencontre Sally, de Rob Reiner (États-Unis), Noce blanche, de Jean-Claude Brisseau, Un monde sans pitié, d'Éric Rochant (deux films français). L'Américain se montre plus optimiste en décrivant, sur une durée de onze ans, la lente maturation d'un amour. Quand Harry rencontre Sally est le premier film sérieux sur la « post-révolution sexuelle ». Une différence d'âge brise les velléités d'union des partenaires dans Noce blanche : l'homme est un professeur de cinquante ans, sa compagne une élève de dix-sept ans. Tandis qu'une non-concordance sur la finalité de la vie désunit les jeunes comparses d'Un monde sans pitié : la fille est normalienne et rêve d'une famille, le garçon est un marginal sans buts et sans attaches.

Dépassant les problèmes de couples, de nombreux réalisateurs s'attachent à dépeindre le mal de vivre dans des sociétés nivelées par le bas. Aux idéaux révolutionnaires de l'Est, au paradis de la consommation occidentale se sont substitués des buts à courte visée (trouver un amant, « réussir son week-end », fréquenter les mêmes endroits à la mode). Ce sont ces atmosphères glauques et étouffantes que décrivent le Britannique Mike Leigh (High Hopes), le Soviétique Vassili Pitchoul (la Petite Véra), l'Américain David Burton Morris (Patty Rocks), et l'Italien Mario Brenta (Maicol).