Panorama

Introduction

La recherche fondamentale requiert des instruments toujours plus puissants, plus performants... et plus coûteux. Ces investissements lourds ne peuvent être engagés, bien souvent, que dans le cadre d'une coopération internationale. Dans trois domaines, en 1989, l'actualité a fourni l'occasion d'exalter la réussite exemplaire de la coopération européenne.

L'astronomie, tout d'abord. Pour développer les recherches astronomiques dans l'hémisphère Sud, huit pays européens ont créé en 1962 PESO (European Southern Observatory). Cette organisation a installé au Chili, à 600 km au nord de Santiago, sur le mont La Silla, à 2 400 m d'altitude, un observatoire où fonctionnent aujourd'hui 14 télescopes, atteignant jusqu'à 3,60 m de diamètre. Le dernier-né a fourni ses premières images du ciel (d'une exceptionnelle finesse) dans la nuit du 22 au 23 mars. Baptisé NTT (New Technology Telescope), cet instrument présente de nombreuses innovations. En particulier, il est le premier au monde à être doté d'un système d'optique « active » : son miroir principal n'a que 24 cm d'épaisseur pour un diamètre de 3,58 m. Il est, de ce fait, relativement flexible, mais le profil de sa surface optique est optimisé en permanence par un ensemble de supports pilotés par ordinateur. Par ailleurs, ce télescope peut être commandé à distance : il peut fonctionner tout en étant contrôlé par liaison satellite depuis le siège de l'ESO, situé en Allemagne, près de Munich.

L'exploration spatiale, ensuite. Le 19 avril, l'Europe spatiale fête son 25e anniversaire. C'est, en effet, en 1964 que furent créés l'ELDO et l'ESRO, deux organismes chargés de la réalisation respectivement de fusées et de satellites, qui ont été réunis en 1973 pour former l'ESA, l'Agence spatiale européenne, regroupant aujourd'hui treize États membres. L'Europe a pu ainsi lancer 25 satellites, dont 14 à vocation scientifique et 11 à caractère commercial ou opérationnel. En développant la fusée Ariane, fleuron de la technologie européenne, elle s'est imposée comme l'un des principaux acteurs sur le marché des lanceurs de satellites. Elle constitue désormais un partenaire majeur pour les États-Unis et l'URSS dans le domaine de l'exploration spatiale.

La physique des particules, enfin. En 1953, douze pays européens ont créé le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) dans le but d'établir une coopération entre États pour les recherches nucléaires de caractère purement scientifique et fondamental. Comptant désormais 14 États membres, le CERN, établi à la frontière franco-suisse, près de Genève, est devenu un immense laboratoire de physique des particules qui emploie en permanence quelque 3 500 personnes, auxquelles s'ajoutent environ 3 200 chercheurs provenant de 200 centres de recherche du monde entier. Mis en service le 13 août, et inauguré officiellement trois mois plus tard, le grand collisionneur électrons-positrons (LEP) répond aux nouveaux besoins de la physique des particules. Il se compose d'un tube à vide de 27 km de circonférence autour duquel sont installés des aimants. Le tube, refroidi par eau, est entouré d'un blindage en plomb. À l'intérieur, des électrons et leurs antiparticules, des positrons, circulent en sens contraire à une vitesse proche de celle de la lumière et entrent en collision les uns contre les autres avec une très grande énergie. De nombreuses particules sont alors créées. L'une de celles qui intéressent le plus les physiciens est le boson Z°. L'un des objectifs expérimentaux du LEP est d'observer la désintégration de dizaines de milliers de bosons Z° par jour, afin de tester la validité de la théorie unifiée des interactions faible et électromagnétique de Glashow, Salam et Weinberg. Enfoui sous le sol à une profondeur variant de 45 à 175 m, le LEP a nécessité six ans de travaux et a coûté quelque 5 milliards de francs. Avec lui, l'Europe dispose à présent du plus grand accélérateur de particules du monde.

Quand la science jette le trouble...

Si l'homme a désormais la capacité d'explorer d'une part les constituants ultimes de la matière, d'autre part les plus grandes structures de l'Univers (des chercheurs américains annoncent, le 20 novembre, la découverte, à l'aide du grand télescope du mont Palomar, d'un nouveau quasar, dans la direction de la Grande Ourse, qui serait l'objet céleste le plus lointain jamais observé, à quelque 14 milliards d'années de lumière), ce sont toutefois ses pouvoirs d'intervention dans le domaine du vivant qui suscitent le plus d'inquiétude (dossier Biologie humaine : les nouvelles manipulations) : les progrès récents du génie génétique posent de graves problèmes d'éthique. Ils ouvrent, certes, la voie à de nouvelles pratiques médicales ou thérapeutiques qui permettront d'échapper à certaines fatalités héréditaires ; mais ils peuvent aussi déboucher sur des pratiques condamnables de sélection d'individus « à la carte »...