La guerre commerciale internationale

La crise et ses effets, les déséquilibres extérieurs records et l'évolution des économies dans la hiérarchie mondiale engendrent une recrudescence du protectionnisme qui multiplie et avive les tensions.

En 1989, les risques présentés par la guerre commerciale internationale ont surgi au premier plan de l'actualité. Plusieurs dossiers (viande aux hormones, agriculture, automobile, électronique, aéronautique, sidérurgie et audiovisuel) ont témoigné du retour du protectionnisme et de ses tentations perverses, notamment entre les trois pôles constitués par les États-Unis, le Japon et la Communauté européenne.

La prolifération des mesures protectionnistes

En 1988, la croissance en volume du commerce mondial des marchandises a atteint 8,5 % et cette performance sera sans doute réitérée en 1989. À l'exception de l'année 1984, c'est le niveau le plus élevé de la décennie et ce rythme est presque deux fois plus rapide que celui de l'accroissement de la production mondiale. Jamais les économies n'ont été aussi ouvertes ; pourtant, et paradoxalement, le système commercial international traverse une crise car, en même temps qu'ils se développaient, les échanges commerciaux se sont durcis et les pressions protectionnistes se sont accentuées.

Les mesures adoptées pour limiter les importations comme pour favoriser les exportations prennent des formes de plus en plus élaborées mais de moins en moins décelables. Les dispositions unilatérales prises par les gouvernements se diversifient. Elles englobent la mise en application de clauses de sauvegarde en faveur des secteurs sensibles, l'utilisation des droits de douane et surtout, récemment, le recours à des mécanismes non tarifaires : contingentements, mesures administratives diverses, protection des marchés publics, renforcement des normes nationales, paratarification et fiscalité.

Phénomène plus inquiétant, le bilatéralisme s'est considérablement développé. Il s'agit d'accords — formels ou informels — en vertu desquels un pays accepte « volontairement » et temporairement de limiter les exportations d'un ou de certains de ses produits vers le pays importateur (en fait, c'est l'importateur qui impose ses conditions à l'exportateur). Beaucoup plus ancien, le régionalisme, c'est-à-dire les groupements de pays ayant des relations privilégiées (comme ceux de la CEE), ne cesse de s'étendre. Ainsi un accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada est-il entré en vigueur le 1er janvier 1989, et un traité entre les États-Unis et le Mexique est-il en cours de négociation. De même, de nombreux liens de solidarité finissent par se créer entre le Japon et les NPI (nouveaux pays industrialisés) d'Asie.

Nous assistons non seulement à la multiplication des formes de protectionnisme, mais également à celle des secteurs touchés par le phénomène et qui vont maintenant de l'agriculture aux services en passant par l'industrie aussi bien traditionnelle que moderne. Et tous les pays sont concernés, à un degré ou à un autre.

Ces trois tendances — unilatéralisme, bilatéralisme et régionalisme — contrastent avec l'approche multilatérale et libre-échangiste prônée depuis la Seconde Guerre mondiale et dont le GATT est le gardien. C'est ce qui explique alors la multiplication des plaintes et des recours déposés auprès de cette instance qui estime à 50 % la part du commerce international faisant aujourd'hui l'objet de restrictions plus ou moins explicites.

La multiplication des conflits commerciaux

Il est bien certain que ces politiques commerciales agressives favorisent les querelles. A des accusations régulièrement répétées s'ajoutent des accrochages ponctuels. Dans le premier cas, le Japon est plus particulièrement visé. Ses partenaires lui reprochent son offensive commerciale dans certains secteurs stratégiques (électronique grand public, automobile) et surtout son protectionnisme « culturel », c'est-à-dire sa tendance naturelle, par un mélange de règles administratives et de coutumes, à la fermeture de ses frontières. C'est ce que les États-Unis appellent les « obstacles structurels ».