Pierre Bois

Faits divers

À chaque année criminelle son sinistre rappel. 1987 avait connu dix-huit vieilles dames assassinées, 1988 se qualifie dans l'horreur par des meurtres d'enfants à répétition. Céline, Delphine, Sandrine, Ludivine, quatre fillettes aux prénoms qui riment, victimes d'une même violence sexuelle.

Céline Jourdan, 7 ans, est retrouvée noyée dans un torrent de Haute-Provence. La police arrête les meurtriers. Deux déséquilibrés marginaux. Delphine Boulay, 10 ans, disparaît du camp scout de Villerville, dans le Calvados. Son corps est découvert à demi calciné dans une forêt de l'Eure. Sandrine Avrillon, 6 ans, ne rentre pas de l'école. Son assassin est un voisin de palier. Ludivine Passet, 9 ans, gît dans une cave. Celui qui l'a tuée : encore un déséquilibré.

Page noire d'un chapitre particulièrement sombre, d'où surgit un autre tueur fou, Roberto Succo. Il avait tué ses parents en 1981. Il poursuit en 1988 sa route sanglante en abattant un policier français avant de se suicider dans une prison italienne. Dernier acte d'un suspense qui n'en finit pas, avec des disparus du contingent, ces sept appelés qui, à raison d'un par an, ne sont jamais revenus du triangle maudit de Mourmelon où un adjudant-chef, à l'allure de Rambo sadique, les côtoyait.

Trace également perdue pour les fiancés de Fontainebleau, promeneurs sans histoire, s'enfonçant dans la forêt en compagnie de leur chien Dundee.

Trace retrouvée, après des semaines d'incertitudes, de rumeurs aussi malveillantes qu'absurdes, celle de la jeune actrice Pauline Lafont. Les gendarmes et les militaires avaient fouillé les Cévennes et l'on allait jusqu'à évoquer – pourquoi pas – une fugue à visage publicitaire. En fait, la jeune femme, tombée d'une falaise haute d'une dizaine de mètres, était morte à cinq kilomètres à peine de sa maison familiale. L'une des énigmes médiatisées de l'été se révélait n'avoir été qu'un accident banalement tragique.

Pierre Bois

Presse

Dans un climat plutôt morose (l'ensemble des titres quotidiens ayant perdu plus de 750 000 lecteurs en deux ans), 1988 a été cependant une année de changement notable pour la presse française ; internationalisation et recentrage en ont été les mots clés.

L'internationalisation s'est marquée en deux temps. On a pu d'abord assister au rachat mouvementé des Échos par le Britannique Pearson : en janvier Mme Jacqueline Beytout, propriétaire du titre, a cédé toutes ses actions à ce groupe propriétaire du Financial Times. Cette opération, ralentie un moment par le ministre des Finances, a été bientôt suivie par le rachat par l'Expansion, associée à l'Américain Dow Jones, de l'Agefi, de la Vie française et de la Tribune de l'Expansion au groupe Bertez. Elle s'inscrit dans le cadre d'une restructuration de la presse économique française.

Deuxième temps fort : en avril, Hachette/Filipacchi a acquis le groupe américain Diamandis pour 712 millions de dollars et est ainsi devenu le premier éditeur de magazines au monde. En septembre, Franz-Olivier Giesbert, le jeune rédacteur en chef du Nouvel Observateur, a été nommé directeur de la rédaction du Figaro. Un transfert impensable quelques mois plus tôt. En outre, M. Robert Hersant a appelé à la direction de la Socpresse le très giscardien et libéral Michel d'Ornano. Quelques semaines plus tard, la fastueuse fête du Figaro-Magazine s'est tenue sous la Pyramide du Louvre... avec l'autorisation spéciale du président Mitterrand.

Le recentrage, c'est aussi le fait que les journalistes de Libération finissent par accepter le principe d'une hiérarchie des salaires, marquant ainsi la fin d'une époque.

Ailleurs dans le monde, la liberté (relative) retrouvée par les journalistes soviétiques (malgré la menace d'une nouvelle et très répressive législation sur la presse) ou algériens témoigne du rôle essentiel de l'information dans le monde contemporain.

Jules Chancel

Audiovisuel

Avant l'automne 1988, le paysage audiovisuel français dessiné par la loi du 30 septembre 1986 (éd. 1987) n'a subi que peu de modifications. On peut cependant noter la rapide ascension de Canal +. Après un démarrage un peu lent, la chaîne à péage s'est assurée une clientèle nombreuse et fidèle de 2,5 millions d'abonnés. Privatisée, TF1 a conservé, avec 60 % d'audience cumulée et 41 % du marché pour le 1er semestre, le prestige que lui vaut sa position historique de 1re chaîne de télévision française. Les deux sociétés d'État, A2 et FR3, représentent respectivement 28,6 % et 10 % du marché. Quant aux deux « jeunes » chaînes privées, bien que leur réseau de diffusion se soit rapidement étendu, leur part demeure modeste : 11,4 % pour la Cinq et 3 % pour M6.