Au début de 1988, cette même salle avait présenté un large panorama de films espagnols des années 1958-1988, qui avait entraîné la sortie de créations, conçues surtout par deux cinéastes, le semi-vétéran Manuel Gutierrez Aragon (Maravillas, 1980 ; Malaventura, 1988) et le jeune loup de la « modiva madrilène », Pedro Almodovar (la Loi du désir, 1986 ; Matador, 1986 ; la Force des ténèbres 1984).

Un accent sympathique a été mis sur les productions des pays excentrés. Cette année, on a pioché dans le Grand Nord. La palme d'or à Pelle le conquérant a suivi la commercialisation du Festin de Babette (Gabriel Axel, déjà couronné de l'oscar du meilleur film étranger) et a provoqué la distribution des Rues de mon enfance, d'Astrid Henning-Jensen (1986), d'Epidemic, de Lars von Trier (1987), et de Rami et Juliet, d'Eric Clausen (1988). À ce choix éclectique a répondu, pour la Finlande, la découverte de deux authentiques auteurs, les frères Aki et Mika Kaurismaki, qui tournent (séparément, mais avec de nombreux points communs) depuis 1980 et ont déjà une dizaine de titres à leur actif. À noter, pour Mika, le Clan (1983) et Rosso (1985), pour Aki Shadows in Paradise (1987) et Hamlet Goes Business (1987).

La France a également connu un renouveau cinématographique avec les travaux âpres et physiques de Catherine Breillat (36 fillette), de Jean-Claude Brisseau (De bruit et de fureur) ou de Jeanne Labrune (De sable et de sang).

Après la passivité des spectateurs, la résistance de noyaux durs de distributeurs indépendants, voici la troisième donne de cette année 1988 : l'intolérance. Depuis le début des années 1980, le spirituel était revenu dans tous les discours. L'œuvre entier de Tarkovski y prenait sa source. Alain Cavalier avec Thérèse (1986) et Maurice Pialat avec Sous le soleil de Satan (1987) avaient abordé cette question comme une expérience personnelle. Cette année, les choses ont changé. Si l'on considère, par exemple, le Complot, d'Agnieszka Holland, ou The Navigator, du Néo-Zélandais Vincent Ward, on constate une nette volonté, chez ces réalisateurs, de mettre en valeur une foi musclée : le Complot est centré sur l'assassinat du père Popielusko par un membre de La milice polonaise en 1984 ; The Navigator transpose de nos jours une malédiction du xive siècle, faisant de l'athéisme la cause de tous les malheurs. Il n'est alors guère étonnant que la Dernière Tentation du Christ, de Martin Scorsese, ait été violemment rejetée. Le malentendu vient de la crispation actuelle de nombreux croyants, qui ont littéralement brisé la carrière de ce film.

Raphaël Bassan

Photographie

Tandis que Paris accueille au musée Jacquemart-André une rétrospective controversée d'André Kertesz, Milan rend hommage à Ansel Adams, Florence à John Batho et Toulouse salue l'action de Jean Dieuzaide, qui anime depuis 1975 la galerie « Le château d'eau ». Le musée d'Orsay révèle les photographies de Bonnard. Wim Wenders publie chez l'éditeur allemand Shirmer Mosel ses vues en couleurs de l'Ouest américain. Sous le titre « Botanica », le CNP, dans les salles du Palais de Tōkyō, réunit un bel ensemble de clichés de végétaux des xix et xxe siècles. L'Espace photo de Paris, animé par J. L. Monterosso, consacre Bettina Rheims. Pierre Bonhomme, dit Borhan, succède à Pierre Barbin à la direction du patrimoine photographique. Et Claude Hudelot prend la tête des XIXe Rencontres d'Arles. J. H. Lartigue triomphe au Grand Palais avec ses portraits du bonheur.

Alors que la 4e Primaverara de Barcelone, dirigée par David Balsells, remporte un vrai succès public Rotterdam, à l'initiative de la revue Perspektief, met « L'Europe en question ». Raymond Depardon couvre la campagne électorale pour le Monde. Jean-Paul Goude, Grace Jones et la pub entrent au musée Cantini de Marseille, à l'initiative de Germain Viatte. La BN reçoit la vaste rétrospective du plus européen des opérateurs américains, Ralph Gibson. Le musée d'Art moderne (Beaubourg) offre une rétrospective à Bernard Plossu. Le musée de l'Élysée à Lausanne, dirigé par Charles Henri Favrod, rend hommage à Pierre de Fenoyl, disparu en septembre 1987 ; et la Fondation nationale de la photo à Lyon fête son dixième anniversaire.