Journal de l'année Édition 1989 1989Éd. 1989

Point de l'actualité

Le SIDA

Le Journal de l'année 1986 publiait un dossier sur le SIDA. Depuis lors, il a été beaucoup question du SIDA dans les milieux scientifiques et encore plus dans les médias. D'innombrables travaux lui ont été consacrés et plusieurs conférences internationales ont été réunies, la dernière en date étant celle de Stockholm (12-16 juin 1988). Des progrès ont-ils été enregistrés par rapport aux données connues il y a trois ans ? Incontestablement, les connaissances se sont affinées en ce qui concerne le virus responsable. Mais, pour ce qui est du côté pratique, prévention et traitement, les résultats sont toujours aussi décevants.

Le virus

Devant la multiplication des dénominations désignant le même virus (LAV en France, HTLV3 et ARV aux États-Unis), un comité international de virologie a décidé que la seule dénomination officielle serait désormais HIV (Human Immunodeficiency Virus) ou, en français, VIH (virus de l'immunodéficience humaine).

En 1986, un autre type de virus HIV a été isolé. Il est responsable du SIDA dans l'Afrique de l'Ouest (Côte-d'Ivoire, Mali, Guinée, Guinée-Bissau, îles du Cap-Vert). Ce virus a été dénommé HIV2, le premier type, maintenant nommé HIV1, étant présent dans le reste du monde, notamment en Europe, aux États-Unis et en Afrique centrale. Un virus récemment découvert, le HBLV (HHV6), agissant comme cofacteur de l'infection, augmente la virulence du virus HIV. Les divergences importantes (de 35 à 60 %) observées entre les virus HIV1 et HIV2 se situent surtout au niveau de leur enveloppe glycoprotéique.

L'identification de nombreux gènes régulateurs a mis en évidence la grande complexité de la structure du génome HIV. La détection de fragments du génome viral est effectuée par la technique PCR (Polymerase Chain Reaction), méthode d'amplification enzymatique d'une extrême sensibilité permettant l'identification des sujets récemment infectés qui ne sont pas encore séropositifs, alors que toutes les autres techniques (sérologie, antigénémie HIV, culture virale) sont négatives.

État actuel

En 1988, 119 818 cas de SIDA sont recensés dans le monde, mais l'OMS estime que le chiffre réel est voisin de 150 000.

Les États-Unis totalisent 58 270 cas. En Europe, le chiffre est de 14 697 cas. La France y occupe le premier rang devant l'Allemagne fédérale, l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Espagne. Au 30 juin 1988, le BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire du ministère de la Santé) indiquait 2 111 cas de SIDA en France, dont 1 090 pour les 23 premières semaines de 1988 (en 1987, pour cette même période, on comptait 593 cas). Depuis le mois de juin 1988, 50 à 80 cas nouveaux sont enregistrés par semaine. Sur les 3 073 cas de SIDA recensés en France de 1982 à fin 1987. 45 % sont décédés. L'Afrique est un continent très touché mais les chiffres officiellement déclarés y sont très bas (11 000 cas).

Le devenir des sujets séropositifs

L'OMS estime qu'il y a de 5 à 10 millions de sujets séropositifs dans le monde. Quel est leur devenir, et combien d'entre eux développeront-ils un SIDA ? Les estimations sont très divergentes et souvent subjectives. Il n'existe pour l'instant qu'un seul travail sérieux, celui qui a été présenté à la conférence de Stockholm par une équipe de San Francisco. Il s'agit d'une statistique qui concerne un groupe de 6 709 patients homosexuels séropositifs. Ils ont été suivis pendant 10 ans, de 1978, date de leur contamination, jusqu'en 1988. Le pourcentage de ces sujets ayant développé un SIDA après la date de contamination est de :
9 % à 4 ans ; 22 % à 6 ans
38 % à 8 ans ; 48 % à 10 ans.

Cette statistique ne concerne qu'une population homosexuelle. Il est possible que l'évolution soit moins défavorable dans les autres populations à risque, car les homosexuels sont souvent infectés par de nombreux virus, dont le cytomégalovirus, qui potentialise la virulence du virus HIV et qui est potentialise par lui.

Prévention

Les essais de vaccination chez les singes (chimpanzé et plus récemment macaque) ou chez l'homme sont encore au stade préliminaire ou se sont montrés décevants.