Les nouveaux matériaux

Fabriqués sur mesure pour une fonction donnée, les nouveaux matériaux annoncent de profondes mutations technologiques. Produits composites élaborés à partir de métaux, de céramiques et de plastiques, la plupart de ceux qui seront d'usage courant en l'an 2000 n'existent pourtant pas encore.

L'actualité sportive nous offre chaque année l'occasion de mesurer le rôle décisif des matériaux composites qui permettent de construire des engins de navigation alliant résistance et légèreté. Philippe Poupon remporte la Route du Rhum 1986 sur le voilier trimaran Fleury Michon VIII, dessiné par l'Anglais Nigel Irens et construit par le chantier naval vendéen Jeanneau. La coque centrale de ce bateau est construite en sandwich Kevlar-epoxy et les entretoises en carbone Nomex, des matières également utilisées pour un monocoque comme le New Zealand. De même, l'étonnant exploit de l'avion Voyager, qui réussit à boucler le tour du monde sans escale, après avoir couvert plus de 42 000 km, est aussi un succès de l'industrie des composites à haute performance (Ces deux exemples sont signalés par Composites et matériaux nouveaux, lettre mensuelle spécialisée, éditée par À Jour.).

Rappelons que les composites sont fabriqués « sur mesure ». Ils associent des matériaux de base différents, complémentaires et compatibles. Ils se distinguent des alliages traditionnels qui procèdent par fusion interne de différents éléments et additifs à un métal de base pour en améliorer ou modifier les qualités.

Comme pour les alliages, les propriétés des composites sont supérieures à celles de chacun des matériaux constitutifs pris séparément. On profite des qualités intrinsèques de chacun des composants pour en atténuer les défauts : le meilleur exemple est le verre, qui ne casse plus lorsqu'il se présente sous la forme de nappes de fibres noyées dans la résine thermodurcissable. Cette mise en œuvre par association et combinaison conduit en fait à l'apparition d'un très grand nombre de nouveaux matériaux, spécifiquement adaptés à chaque problème particulier ou aptes à remplir une fonction bien précise. Cette notion d'« hyperchoix de matériaux », cette « ère de matériaux sur mesure » (On se reportera à l'étude de synthèse d'André-Yves Portnoff, l'Hyperchoix des matériaux, chapitre IV du Rapport sur l'état de la technique (no spécial de la revue Sciences & Techniques, édition 1986-1987). Voir également le dossier industriel et prospectif l'Ère des matériaux sur mesure, publié par Industries et Techniques, no 620, à l'occasion du Congrès Expermat, organisé à Bordeaux par le Cesta en novembre 1987.) apparaît bien, désormais, comme une nouvelle grande étape de la technologie.

Une étude publiée par Innovation 128 et le Centre de prospective et d'évaluation indique ainsi : « La plus grande révolution industrielle de tous les temps se passe sous nos yeux ; pourtant, dans son apport à l'humanité, elle laissera loin derrière elle la machine à vapeur et le moteur à explosion. C'est à une véritable mutation de matériaux que l'on assiste, issue de l'apport de la physique des solides qui nous a permis de connaître leur intimité et de comprendre leur architecture » (Matériaux, étude et bilan technologique Technotes (Innovation), 128, mars 1987.).

Et d'expliquer que cette révolution correspond à un changement de système technique. Autrefois, on réalisait des produits par déformation de la matière en les travaillant de l'extérieur selon différents procédés : fonderie, forge, travail du verre... Aujourd'hui, on tend à organiser la matière à partir de sa structure interne, ce qui marque l'émergence de branches nouvelles de la technique, comme le nucléaire, l'électronique, la biotechnologie et naturellement le traitement des plastiques et l'élaboration des composites.

On classe traditionnellement les matériaux en trois grands groupes : les métaux et alliages, les produits inorganiques non métalliques, dont les deux grandes familles sont les verres et les céramiques, enfin les matériaux organiques dominés par les plastiques. Mais cette classification traditionnelle est en train d'éclater : des « mariages » entre groupes vont donner naissance à des familles de nouveaux matériaux, comme l'indique la figure 1. Enfin, chacun de ces trois grands pôles permet, par ailleurs, de réaliser des composites et de développer de nouveaux matériaux aux étonnantes propriétés : c'est le cas, pour les métaux, des alliages à mémoire de forme ou des biomatériaux, compatibles avec les tissus du corps humain, pour réaliser des prothèses médicales...