Les privatisations

Symboles de l'expansion actuelle du libéralisme, les entreprises dénationalisées ont été bien accueillies par les investisseurs. Malgré la crise de la Bourse, leurs performances justifieront-elles la privatisation ?

Le vent de libéralisme qui souffle depuis plusieurs années déjà sur le monde occidental est peut-être l'annonce, sinon du déclin de l'interventionnisme étatique, du moins du recul de l'emprise de l'État sur l'économie française. Le gouvernement socialiste avait déjà, en matière financière, cédé à la contagion des déréglementations. La victoire de la droite aux élections de mars 1986 ne pouvait qu'amplifier cette évolution. À la mi-1986, la France s'est dotée d'un programme de privatisation de firmes nationalisées. Dans le même temps, on assiste au transfert de la production de services publics à des opérateurs privés.

Au début de 1986, la France possédait, en termes relatifs, le secteur public le plus important des grands pays industrialisés. Il représentait environ 21 p. 100 du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises, 23 p. 100 de leurs effectifs, 30 p. 100 des exportations et 53 p. 100 des actifs immobilisés. Le poids du secteur public était très variable selon les secteurs. Il était plus particulièrement lourd dans l'énergie (94 p. 100), les télécommunications (83 p. 100), les transports (46 p. 100) et les services financiers (44 p. 100). C'est dans ce contexte qu'a pris place le processus de dénationalisation.

Les lois de dénationalisation

Deux lois, l'une du 2 juillet et l'autre du 6 août 1986, constituent les fondements juridiques des dénationalisations. La première contient une liste de 65 entreprises devant être privatisées avant le 1er mars 1991 (fin de la législature). Annexée à la loi, cette liste a été publiée dans le Journal officiel du 3 juillet 1986 ; elle comprend l'ensemble des firmes nationalisées en 1981-82, ainsi que trois grandes banques (les trois vieilles) et les principales compagnies d'assurances nationalisées à la Libération. Il est aussi stipulé que peuvent être dénationalisées : les entreprises dont l'État détient directement plus de la moitié du capital social ; les entreprises qui sont entrées dans le secteur public en application d'une disposition législative. Le champ des privatisations est donc vaste.

La seconde loi précise les modalités du processus. Il est créé une commission de la privatisation, composée de sept membres, chargée de procéder à l'évaluation des entreprises. Cette évaluation est rendue publique. Les prix effectivement retenus pour la dénationalisation sont arrêtés par le ministre chargé des privatisations. Ils ne peuvent être inférieurs à l'évaluation de la commission. En principe, les cessions sont réalisées suivant les procédures du marché financier. Néanmoins, le ministre dispose du pouvoir de choisir des acquéreurs hors marché (vente de gré à gré). Pour chaque opération, il est interdit de céder plus de 20 p. 100 du capital de l'entreprise à des personnes physiques ou morales étrangères. 10 p. 100 des actions doivent être offertes aux salariés (ou anciens salariés) de l'entreprise, avec un rabais ne pouvant pas excéder 20 p. 100 du prix offert aux autres souscripteurs. Il ne s'agit pas de 10 p. 100 du capital, mais de 10 p. 100 du montant de la cession que l'État effectue.

L'État peut décider qu'aucun souscripteur ne pourra obtenir plus de 5 p. 100 des titres cédés. Il peut aussi transformer pour une durée de 5 ans une action ordinaire en action spécifique. Cette action spécifique (en anglais, Golden Share) existe fréquemment dans les privatisations britanniques. Elle permet au ministre des Finances d'agréer toute participation supérieure à 10 p. 100 détenue par une personne ou un groupe de personnes. Enfin, dans la mesure du possible, les demandes inférieures à dix titres émanant de personnes physiques sont servies intégralement. L'État dispose ainsi d'une liberté considérable : choix des entreprises et de la date des opérations, choix du prix (sous réserve de l'évaluation de la commission), enfin choix des modalités.

Le déroulement des opérations

À la fin de 1987, les opérations de privatisation réalisées ont porté sur 23 sociétés (dont douze sociétés mères). À l'exception de la première cession (11 p. 100 de capital d'Elf Aquitaine en septembre 1986), l'État s'est défait de la quasi-totalité de ses participations dans les entreprises concernées. À deux cas près – la Société générale et TF1 –. les firmes retenues pour ces premières dénationalisations avaient été nationalisées en 1981-82. Les modalités mises en œuvre pour ces cessions ont varié. Les plus fréquemment employées sont l'offre publique de vente et la vente de gré à gré, parfois de manière conjointe. Dans ce dernier cas, les investisseurs retenus pour constituer le « noyau stable » ont accepté de payer une prime variable sur le prix de l'offre publique de vente (OPV) [voir tableau].