1986 : une année critique pour la conquête spatiale

Avec l'explosion de la navette américaine « Challenger », l'astronautique a connu la plus grande catastrophe de sa brève histoire, l'année même du vingt-cinquième anniversaire du vol de Iouri Gagarine, le premier homme lancé dans l'espace. Ce tragique accident est venu brutalement rappeler au public que la conquête spatiale reste une aventure dangereuse, malgré les nombreux succès auxquels il a été habitué.

Mardi 28 janvier 1986, à 17 h 38 (heure française) : 25e lancement de la navette spatiale. Le 55e vol habité américain dans l'espace commence. Challenger s'arrache du pas de tir de cap Canaveral avec sept astronautes à bord. La fusée s'élève sous les applaudissements et les cris joyeux de très nombreux enfants venus assister au départ de la première enseignante-astronaute : Sharon Christa McAuliffe. Soixante-treize secondes plus tard, c'est le drame, suivi en direct par des millions de téléspectateurs : une énorme boule de feu orange troue le ciel et une pluie de débris enflammés retombe dans l'océan Atlantique. La navette a explosé en vol, avec les cinq hommes et les deux femmes qui constituaient son équipage. L'astronautique vient de connaître la plus grande catastrophe de son histoire.

Dans le monde entier, l'émotion est considérable. Le public croyait la conquête de l'espace entrée dans l'ère de la routine. Il découvre brutalement qu'elle reste une aventure dangereuse. « Nous nous sommes habitués à la notion d'espace et peut-être avons-nous oublié que nous avons seulement commencé sa conquête. » « Nous sommes encore des pionniers », rappelle à ses concitoyens le président Reagan dans une allocution télévisée, quelques heures après la tragédie.

Il est vrai qu'il paraît déjà bien loin ce jour mémorable du 12 avril 1961 où l'URSS, à la surprise générale, lança le premier homme dans l'espace. En effectuant une révolution autour de la Terre, lors d'un vol de 108 minutes, à bord du vaisseau spatial Vostok 1, Iouri Gagarine inscrivit ce jour-là son nom dans l'Histoire. Depuis, cosmonautes (soviétiques) et astronautes (américains) nous ont sevrés d'exploits. L'homme a appris à vivre et à séjourner dans l'espace, et il a marché sur la Lune. Ce qui apparaissait hier comme une prouesse sensationnelle passe désormais presque inaperçu. On se souvient, à la rigueur, du premier pas de l'homme sur la Lune, celui de Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, mais plus personne ne songe au premier « piéton de l'espace », Alexei Leonov, qui, le 18 mars 1965, évolua pour la première fois hors d'un vaisseau en orbite autour de la Terre. Et combien savent aujourd'hui que trois cosmonautes ont séjourné dans l'espace 237 jours, soit près de huit mois, en 1984 ?

Les victimes de l'espace

Quatre accidents, ayant fait au total quatorze victimes – dix Américains et quatre Soviétiques –, ont endeuillé la conquête de l'espace depuis le vol de Gagarine, il y a 25 ans.

Le 27 janvier 1967, à cap Canaveral, les Américains Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee, désignés pour constituer l'équipage du premier vol habité Apollo, périssent carbonisés dans l'incendie qui ravage leur cabine lors d'une répétition au sol. Une révision complète et des modifications du matériel s'imposent. Le programme est arrêté pendant 19 mois.

Le 24 avril 1967, le Soviétique Vladimir Komarov périt en regagnant la Terre à bord du vaisseau Soyouz 1 : le parachute destiné à freiner l'engin dans l'atmosphère se met en torche et la cabine s'écrase au sol après une chute libre de 7 km. Comme aux États-Unis, le programme soviétique de vols spatiaux pilotés, à la suite de ce drame, va marquer le pas pendant plus d'un an.

Le 29 juin 1971, trois autres astronautes soviétiques, Gueorgui Dobrovolski, Victor Patsaiev et Vladislav Volkov, trouvent la mort lors de leur retour au sol à bord du vaisseau Soyouz 11, après 23 jours et 18 heures de séjour à bord de la station orbitale Saliout 1 : une brutale dépressurisation de la cabine entraîne le décès des trois hommes, qui n'ont pas revêtu leurs scaphandres étanches pendant cette phase délicate du vol.