1 milliard de centimes. Extrapolation comptable du manque à gagner brut global, en recettes guichets, subi par les six clubs britanniques, pour un seul tour à domicile de compétition européenne.

600 millions de centimes. Facture minimale des installations de vidéo intérieure qui devront équiper, d'ici au 31 décembre 1985, 35 stades britanniques. Source : Jack Dunnett, président de la League.

180 millions de centimes. Montant du déblocage de fonds « humanitaires », décidé par l'UEFA au profit des familles des victimes. Source : presse.

500 millions de centimes. Somme globale de la souscription publique lancée après la tragédie, au profit des familles.

1,5 million de centimes. Contribution de la Juve aux sinistrés de Bruxelles.

50 millions de centimes. Évaluation du manque à gagner subi par la Juve lors de chaque match à domicile. La perte résulte d'une réduction de 5 000 places de la capacité du Stadio Comunale, en vue d'y améliorer les conditions de circulation et de sécurité.

Source : L'Équipe Magazine, no 257, 19 octobre 1985.

Le football, sport maudit ?

En 1980, un rapport d'experts allemands de l'Institut fédéral de la science des sports sur « le sport et la violence » débute par un diagnostic d'ordre général : « En dépit de la tendance croissante à faire du sport un élément de divertissement et à lui donner un caractère de spectacle, l'autodynamisme de la rencontre sportive constituant un événement social d'interaction ne saurait en aucun cas être négligé. »

Ainsi est-il souligné que tout match organise un espace interactif entre le public et les joueurs dans lequel ce qui est échangé est toujours de l'ordre de la violence : violence des sentiments et des émotions, violence des images. Cependant, l'intensité du courant qui va des tribunes au terrain et du terrain aux tribunes varie selon la structure du sport. « La structure des règles de jeu dans les matches de basket-ball contribue à réduire la fréquence des manifestations d'agressivité. Dans le volley-ball, les infractions aux règles du jeu sont statistiquement négligeables, ce qui est dû en grande partie au fait que deux équipes opposées sont séparées dans l'espace. En revanche, de par la combinaison de la structure formelle et de l'interprétation des règles par les athlètes et l'arbitre, les actes de violence sont plus à craindre pour le handball, le hockey sur glace et le football. »

La conclusion oblige à voir dans le football un sport à haut degré d'interaction émotionnelle, qu'on évalue à 30 fois celui du basket.

Qu'est-ce qui, dans la structure de ce sport, explique sa spécificité ? En nous appuyant toujours sur ce rapport – fruit d'une enquête minutieuse sur le comportement des supporters de Stuttgart, de l'observation du déroulement de vingt-cinq matches lors de la saison sportive 1979-80 et des procès-verbaux des divers incidents enregistrés (bagarres, arrestations, vandalisme, etc.) – on retiendra la conclusion suivante : les supporters des équipes de football se sentent impliqués dans les rencontres au point de croire que leurs actes sont capables d'influencer le cours du jeu dans un sens favorable à leur vœu. Dès lors, ils sont pris dans un champ affectif où ne se distinguent plus joueurs et spectateurs et qui ressemble fort à un happening propice à toutes les exaltations et à toutes les explosions agressives. Lorsqu'un match est « dur », que l'arbitre intervient souvent, qu'il siffle de nombreux penalties et distribue force cartons jaunes, on constate dans les gradins une recrudescence d'agressivité et de violence, au diapason de l'agressivité et de la violence des joueurs, sur le comportement desquels les supporters calquent le leur.

Cette structure syncrétique de l'espace imaginaire, ce rapport spéculaire entre acteurs et spectateurs, où chacun se projette dans l'autre, n'est pas l'apanage du football. Mais il y atteint un tel degré que la question se pose des raisons qui engendrent une telle régression vers les comportements magiques de l'enfant, qui croit à la toute-puissance de ses pensées et de ses gestes sur le cours des choses.