L'année 1985, c'est aussi celle des innovations visant à redonner au théâtre un souffle neuf pour y ramener le public : celle du « Printemps du théâtre » (8 créations de jeunes compagnies en compétition) fut un demi-échec. Mais l'idée du Kiosque de la Madeleine, qui vend chaque jour des places à demi-tarif pour le soir même, a déjà fait ses preuves. Le nouveau ressourcement du théâtre passe aussi aujourd'hui par l'appel aux stars de cinéma : Miou-Miou modulait la Musica de Duras, pendant que Piccoli et Birkin triomphaient à Nanterre, et Galabru joue la Femme du boulanger. Enfin, retenons une saison enrichie par l'installation en France du grand metteur en scène soviétique Lioubimov (les Possédés) et le florilège de mises en scène qu'a suscitées l'Année Hugo.

Cinéma

Il sort, en France, entre 600 et 700 films par an. Ce qui, dans un contexte de crise généralisée, est tout à fait remarquable. Et qu'en est-il de la création ? Là, on constate que ce sont les intrigues – plus ou moins – policières et les comédies à grandes vedettes qui ont les faveurs du public. Ainsi, les Spécialistes (Patrice Leconte) ou Joyeuses Pâques (Georges Lautner), connaissent des résultats d'exploitation honorables. Toutefois, Sans toit ni loi (Agnès Varda), œuvre d'auteur, fait une percée remarquée.

Simples épiphénomènes ou marques d'une mutation plus profonde du public français, ces résultats ne sont que partiellement révélateurs du profil du spectateur moyen. De même que le traitement d'un genre codé, aventures, comédie, espionnage..., n'hypothèque en rien les ambitions du metteur en scène. Ainsi, Jean-Luc Godard avec Détective et Maurice Pialat avec Police se servent des schémas du film policier pour exprimer un univers très particulier, le leur, qui transcende règles et genres.

Toutefois, le film d'auteur pur et dur, comme Elle a passé tant d'heures sous les sunlights (Philippe Garrel), Hurlevent (Jacques Rivette) ou l'Éveillé du pont de l'Alma (Raoul Ruiz), reste confiné dans le ghetto des salles d'art et d'essai, dont le nombre a tendance à diminuer dangereusement.

Du côté étranger, ce sont les productions américaines destinées à un public adolescent qui marchent le mieux : Indiana Jones et le temple maudit (Steven Spielberg), SOS fantômes (Ivan Reitman), les Goonies (Richard Donner).

Pour les autres pays, ce sont surtout les œuvres d'auteurs confirmés comme celles de Satyajit Ray (la Maison et le monde, Inde), de Youssef Chahine (Adieu Bonaparte, Égypte) ou d'Akira Kurosawa (Ran, Japon) qui trouvent le chemin de nos écrans.

Être montrés et/ou récompensés dans les festivals (de plus en plus nombreux) constituent les meilleurs chances pour certains films difficiles ou venant de cinématographies « décentrées » (tiers monde par exemple) d'atteindre la critique internationale. La Palme d'or du festival de Cannes a probablement été fructueuse pour Papa est en voyage d'affaires, du Yougoslave Emir Kusturica, de même que le Lion d'or de Venise a joué le même rôle pour Sans toit ni loi, d'Agnès Varda.

Trois grands festivals : Cannes, Venise, Berlin (plus Locarno, leur petit frère suisse) ont pour vocation de faire connaître le meilleur de la production mondiale. Un autre festival a tenu ses deuxièmes assises à Rio de Janeiro en novembre 1985, tandis que la présente année a vu la ville de Tokyo se doter d'une structure semblable.

Relais des festivals, les cinémathèques et les musées intensifient leur travail de diffusion. La Cinémathèque française, celle de Toulouse, et la section cinéma du Centre Pompidou ont, par des cycles très complets, permis une meilleure connaissance du cinéma asiatique. La Chine et l'Inde étaient à l'honneur salle Garance (Beaubourg) en 1985. La Cinémathèque française présentait, pendant le même temps, une importante (plus de 500 œuvres) rétrospective de films japonais.

Un autre événement marquant est à signaler : l'important travail de défrichage entrepris, visant à révéler une cinématographie totalement occultée par les institutions traditionnelles, celle des Noirs américains qui réalisent des films depuis 1913. En 1985, trois manifestations étaient consacrées au sujet : « Racines noires » (Paris), le Festival des minorités nationales de Douarnenez et le Festival international d'Amiens.