Pour les Européens, le désir de participer est tempéré par le léger goût d'amertume que laisse l'expérience du Spacelab. Les Américains avaient promis d'effectuer 200 vols avec ce laboratoire européen et d'en acheter 5 exemplaires. Au bout du compte, ils ont acquis un exemplaire en échange d'un vol gratuit, dont la charge utile était de 50 % non européenne. Et ils ont commandé un second exemplaire... Cette fois, l'Agence spatiale européenne veut des garanties. La seule solution est de participer pour 15 % à la construction de la station — ce qui correspondrait à 10-11 milliards de F de contrats — tout en fournissant un élément stratégique. Le souhait des Européens serait d'être responsables d'un des modules de la station. Parallèlement, l'indépendance européenne passe aussi par le gros lanceur de demain, Ariane 5, qui pourra être adapté pour emporter des passagers. Cette version entièrement nouvelle sera équipée, comme la navette américaine, d'un moteur à hydrogène et oxygène liquide, et coûtera 12 milliards de F. Ariane 5 ne sera cependant pas une navette : elle devra emporter avec elle un véhicule habitable, le planeur hypersonique Hermès, conçu par le Centre national d'études spatiales, qui transportera 2 passagers, 4 t de fret et reviendra sur Terre par ses propres moyens.

Quant à la future station habitée européenne, elle pourrait être dérivée de la plate-forme Eureca, sorte d'usine automatique qui sera développée dans les années à venir par l'Agence spatiale européenne.

Michel de Pracontal

Astronomie

Un troisième nuage de Magellan

Au premier rang des curiosités du ciel austral figurent les Nuages de Magellan : deux magnifiques nébulosités semblant constituer des lambeaux détachés de la Voie lactée. Ils portent le nom du célèbre navigateur portugais qui, le premier, au xvie siècle, signala leur existence et en fournit une description précise. Depuis une soixantaine d'années, on sait qu'il s'agit de deux petites galaxies irrégulières, satellites de la nôtre. Le Grand Nuage, situé à 170 000 années-lumière seulement, a un diamètre voisin de 25 000 années-lumière et une masse évaluée à 10 milliards de fois celle du Soleil. Un peu plus lointain et, comme son nom l'indique, moins étendu, le Petit Nuage se trouve à 205 000 années-lumière ; sa largeur représente 15 000 années-lumière et sa masse 2 milliards de fois celle du Soleil. Il existe en fait un troisième Nuage. Mais celui-ci, situé derrière le Petit Nuage, exactement sur la même ligne de visée, restait jusqu'à présent insoupçonné. Sa découverte est l'œuvre d'une équipe de radioastronomes australiens, dirigée par Don Matthewson, de l'observatoire du mont Stromlo, et Vincent Ford, de l'observatoire de Siding Spring : ces chercheurs avaient entrepris une étude systématique du Petit Nuage, sur 21 cm de longueur d'onde, à l'aide du radiotélescope de 64 m de diamètre de l'observatoire de Parkes, pour établir la carte de la distribution de l'hydrogène neutre au sein du Nuage. Ils ont ainsi mis en évidence deux masses distinctes de gaz, animées de mouvements différents et semblant traduire la présence de deux galaxies superposées : une hypothèse confirmée par l'existence d'une dichotomie analogue dans les vitesses radiales des étoiles et des nébuleuses d'hydrogène ionisé.

En dépit de leur superposition apparente, le Petit Nuage, désormais rebaptisé Reste du Petit Nuage, et son compagnon nouvellement identifié, le Mini-Nuage, sont séparés d'environ 20 000 années-lumière et s'éloignent l'un de l'autre à une vitesse voisine de 30 km/s. Selon les spécialistes, ce mouvement résulterait du fait que le Mini-Nuage a été arraché au Petit Nuage lorsque ce dernier vint à être frôlé par le Grand Nuage, il y a environ 200 millions d'années.

Philippe de la Cotardière

Le ciel inconnu

Premier satellite d'astronomie infrarouge, IRAS aura finalement fonctionné pendant dix mois avant que l'évaporation complète de l'hélium qui assurait le refroidissement de son télescope ne le mette hors service le 21 novembre 1983. Plusieurs années seront nécessaires pour dépouiller la moisson de données fournies par l'engin, qui ne représentent pas moins de 25 milliards de bits. Mais, d'ores et déjà, le bilan des découvertes réalisées se révèle impressionnant.

Mission principale du satellite

Elle consistait à dresser l'inventaire des sources célestes infrarouges à 12, 25, 60 et 100 μm de longueur d'onde. C'est la première fois qu'une étude systématique du ciel dans l'infrarouge lointain était ainsi effectuée. Au total, IRAS a détecté et localisé quelque 250 000 sources, accroissant de 50 % le nombre de sources infrarouges cataloguées. En dehors de cette cartographie, le satellite a été pointé vers des sources déjà connues dont il a fait progresser l'étude.