Pierre Bérégovoy envisageait, sans avoir eu franchement le feu vert du Premier ministre, de convoquer au lendemain des élections à la Sécurité sociale, un « Grenelle de la protection sociale » pour mettre les cartes sur la table et faire enfin les choix d'une réforme. Est-ce parce que FO, qui était plutôt hostile à un tel forum, a fait figure de grand vainqueur des élections ? Toujours est-il que le ministre a préféré reporter ce projet au début 1984 et se livrer dans un premier temps à une consultation « approfondie » des différents partenaires sociaux.

Les 3 questions

Pour mettre en œuvre une réforme du financement de la Sécurité sociale, il faudra cependant réfléchir soigneusement à une triple question. La première est celle de la maîtrise des dépenses de santé et de la responsabilisation des assurés. Jusqu'où doit-on développer l'assistance ? Quelle est la part de son revenu que l'on est prêt à abandonner aux prélèvements sociaux pour se sentir mieux protégé ? Jusqu'où peut aller l'individualisation des risques, une telle tendance provoquant une intervention croissante des systèmes d'assurance individuelle ? La deuxième concerne la croissance des prélèvements sociaux et fiscaux obligatoires. Ils représentaient 35,7 % du produit intérieur brut en 1973. Ils seront à 45 % en 1984 alors que François Mitterrand avait promis de s'engager dans la voie de la décélération. Le président de la République a réitéré sa promesse. Mais quels choix faudra-t-il faire pour réduire la croissance des prélèvements obligatoires tout en voulant préserver le haut niveau de notre système de protection sociale ? Question d'autant plus aiguë — et c'est la troisième interrogation — que le vieillissement démographique de la France va avoir comme conséquence d'accroître les dépenses de santé. Cela signifie aussi que le coût des pensions va augmenter en moyenne de 3 % en volume par an au cours de prochaines années alors même que le nombre de jeunes actifs va s'amenuiser.

Michel Noblecourt

Sécurité sociale

Une onde de choc
Élections

Pour la première fois depuis 1962 les électeurs ont été appelés aux urnes, le 19 octobre 1983, pour élire les administrateurs représentant les assurés dans les conseils d'administration des caisses d'assurance-maladie et des caisses d'allocations familiales. Ce scrutin, qui, lors de sa préparation, a donné lieu à bien des controverses quant à son organisation — certains électeurs n'ayant pas reçu de cartes, d'autres en ayant eu plusieurs —, a surpris par ses résultats la plupart des observateurs qui n'imaginaient pas de telles lames de fond.

Le déclin de la CGT

Si on ne peut le comparer rigoureusement aux précédentes élections sociales, les élections prud'homales de 1982, puisqu'il concernait un corps électoral de 28,7 millions pour la maladie et de 30,8 millions pour les allocations familiales contre 13,5 millions (représentant principalement les salariés du secteur privé), ce scrutin permet de mesurer précisément l'influence de chaque organisation syndicale représentative dans l'ensemble de la population. À cet égard, le classement et les scores des syndicats apportent de sensibles bouleversements par rapport à la représentativité dans le monde salarial telle qu'elle est mesurée par les élections professionnelles.

La participation (moins de 53 %) est demeurée très sensiblement inférieure à celle enregistrée pour des consultations politiques mais aussi par rapport à d'autres scrutins sociaux. Le taux d'abstentions était de 41,39 % aux élections prud'homales de 1982, et 30,4 % aux élections des comités d'entreprise en 1981. La défiance de l'opinion vis-à-vis des syndicats, qui n'étaient représentés que par les cinq grandes centrales a dû jouer, de même que la faible sensibilisation à l'enjeu Sécurité sociale. Mais si l'on tient compte du fait que c'était la première élection de ce type depuis 1962 et que son organisation a été en partie déficiente, les taux d'abstentions enregistrés (moins de 48 %) sont relativement satisfaisants.