Si le gouvernement français ne peut être tenu pour responsable de l'attitude attribuée (avec la même injustice) aux médias, il n'en reste pas moins que, à la suite de nouvelles campagnes antiisraéliennes du PC, la majorité de la communauté ressent avec un malaise accru la participation des communistes à la majorité gouvernementale. À la fin de l'été, alors qu'Israël assiste en témoin passif aux nouvelles flamblées de violence à Beyrouth et dans le Chouf, l'opinion juive ressent d'autant plus vivement l'injustice faite à Israël que l'écho dans les médias, de la guerre du Liban, des massacres commis par des Druzes et autres factions soutenus sinon manipulées par la Syrie est étrangement discret.

Du monde entier

Les difficultés économiques et politiques, qui par ailleurs assaillent Israël, constituent un autre souci pour la communauté française. Les nouvelles des Juifs d'URSS restent, elles, alarmantes. Les refusniks dissidents sont réduits à l'impuissance, l'émigration hors d'URSS interdite à la quasi-totalité des Juifs. Chtcharanski et Yossif Begun sont toujours en prison ; des visiteurs rapportent que la propagande antisémite a repris.

Le sort des Juifs de Syrie n'est guère plus enviable ; quant à ceux qui, naturellement, avaient soutenu l'insurrection sandiniste, ils constatent le violent antisémitisme du nouveau pouvoir, qui touche une communauté réduite à quelques individus seulement.

Un fait plus encourageant : l'arrestation de Klaus Barbie et son incarcération en France, en attendant un procès dont la valeur pédagogique paraît évidente à beaucoup.

L'événement le plus marquant, passé à peu près inaperçu, est peut-être la rupture que, vis-à-vis du judaïsme, l'Église de France a imprimée à l'histoire des longs siècles passés. En pèlerinage à Auschwitz, accompagnant le Pape qui s'était rendu en Pologne, les représentants de l'épiscopat français ont, pour la première fois, reconnu que la chrétienté devait faire « repentance » pour les crimes commis au nom de l'Église catholique contre le peuple juif.

Jacquot Grunewald

Musulmans

Intégrisme et balkanisation

1983 marque sans doute l'année où le phénomène islamique, qui a fait brutalement irruption à la une des journaux avec la révolution iranienne, s'installe durablement au cœur de l'actualité en France et en Occident, alors même qu'aucun événement spectaculaire ne l'impose. C'est devenu une présence quotidienne. Présence des ouvriers immigrés musulmans dans les entreprises, dont l'activisme est mis en cause par une phrase malheureuse du Premier ministre Pierre Mauroy (Nord Éclair, 28 janvier 1983). Présence d'importantes communautés musulmanes de nationalité française ou étrangère dans les villes, devenue un des thèmes majeurs des élections municipales de mars, voire le cœur d'un débat brutal, comme à Dreux en septembre 1983.

Vitalité

Présence à la télévision, puisque, au-delà de nombreux reportages, une émission islamique a lieu désormais chaque dimanche matin dans le programme religieux de TF1. Le président de la République lui-même adresse, le 14 juillet, un message à la communauté islamique de France à l'occasion de la clôture du ramadan. Présence massive dans l'édition, avec de copieuses livraisons de revues de qualité, de livres d'art et de pamphlets contestables, comme celui de J.-P. Péroncel-Hugoz, mais aussi avec l'explosion éditoriale de la jeune école romanesque maghrébine. Débat enfin à propos de la conversion à l'islam d'un nombre important de Français (estimés à 30 ou 40 000), de tous âges et conditions, y compris des personnalités connues. Roger Garaudy explique dans Le Monde du 30 juillet : « Pourquoi je suis devenu musulman ! »

Face à cette vitalité de l'islam en France, les institutions islamiques traditionnelles apparaissent sur la défensive. L'université Al-Azhar du Caire, la plus prestigieuse du monde musulman, qui célèbre, en 1983, le millénaire de sa fondation par les califes fatimides, s'emploie à empêcher la publication hebdomadaire, dans Al-Ahram, des Conversations avec Dieu du patriarche des lettres égyptiennes Tawfiq Al-Hakim : un dialogue qui fait scandale. Tandis qu'au Soudan, le maréchal Nemeiry impose, en octobre, la stricte application de la législation islamique en matière pénale et de mœurs, imitant ainsi le Pakistan, l'Iran et l'Arabie Saoudite.