Sciences

Découvertes fondamentales et innovation

Pour les historiens des sciences, l'année 1983 aura été particulièrement féconde en découvertes fondamentales. La mise en évidence, au CERN, des particules vectrices de la force dite « faible » rapproche la physique de la « grande unification » rêvée par Einstein et dont ses successeurs ont commencé depuis peu à poser les fondements théoriques.

Depuis une dizaine d'années, les satellites d'observation astronomique décèlent, dans la constellation des Gémeaux, une source intense de rayonnement gamma, qu'on n'a pas identifiée avec certitude à un objet visible dans d'autres longueurs d'onde. Le « candidat » le mieux placé serait une étoile de très faible éclat, repérée sur un cliché pris à l'observatoire franco-canadien de Hawaii. En attendant une identification définitive, les astronomes ont baptisé l'objet mystérieux Geminga, contraction de Gemini (Gémeaux) et Gemma, et qui, par surcroît, signifie en argot milanais : « Ça n'existe pas. » Geminga existe cependant si bien qu'il émet un rayonnement très énergétique, qui ne peut provenir que d'un astre très dense. Sa distance se situe dans une fourchette comprise entre trois et trois cents années-lumière ; il est donc proche ou même très proche du système solaire.

Méfiance

Les bonds en avant dans notre connaissance de la matière et de l'Univers s'inscrivent dans le contexte troublé d'une époque où les nations industrialisées restent aux prises avec des difficultés économiques dont (en dépit d'une éclaircie entrevue aux États-Unis) elles ne voient pas la fin, tandis que le tiers monde s'enfonce toujours davantage dans la pauvreté. Certains esprits cèdent à la tentation de rendre responsable de nos maux le progrès des sciences et des techniques, surtout lorsque ces dernières polluent l'environnement ou qu'elles servent à des fins de destruction de notre espèce. Ce sentiment diffus contribue à faire accepter les restrictions qui touchent les crédits affectés à la recherche. L'opinion américaine n'a guère réagi aux coupes sombres pratiquées par l'administration de Washington dans les programmes spatiaux, alors qu'en fait elles n'atteignent que les projets peu susceptibles d'applications militaires, comme l'observation rapprochée de la comète de Halley.

En France, une contradiction analogue apparaît entre les nécessités de la rigueur budgétaire et l'appel à l'innovation technologique comme la meilleure arme pour surmonter la crise de l'économie et défendre les industries françaises sur le marché mondial. La rigueur s'est traduite par une incertitude prolongée sur le sort réservé au budget de la recherche civile. La loi d'orientation promulguée en juillet 1982 prévoyait 17,8 % de progression moyenne annuelle. Les mesures de régulation du budget 1983 ont annulé une partie des crédits prévus. Pour 1984, le ministre de l'Industrie et de la Recherche annonçait (en août) une progression de 8 %, supérieure à celle de beaucoup de postes budgétaires, mais à peine suffisante pour compenser l'inflation. En même temps, il faisait adopter par le Conseil des ministres une série de mesures encourageant le dépôt des brevets : diminution du prélèvement fiscal sur les royalties versées aux inventeurs, majoration des primes de l'ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) lors d'un dépôt de brevet en France et à l'étranger.

« Innover, inventer pour survivre », telle était la devise de la Semaine internationale de l'invention, organisée à Paris en mai dans le cadre de l'Association internationale pour la protection de la propriété industrielle. Le même mot d'ordre inspire la création, à Paris, d'une École nationale supérieure de la création industrielle, chargée notamment de développer le « design », c'est-à-dire la discipline qui allie l'art et l'industrie pour la création d'objets nouveaux. Des aides publiques à l'innovation financeront projets et prototypes. La commande publique devra jouer un rôle stimulant ; l'Union des groupements d'achats publics, qui gère 3 milliards de F de marchés annuels, est dotée d'un centre de création de produits pour encourager l'innovation.