Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

Conjoncture

Le dérapage

Espoir et dérapage. C'est sous ce double éclairage que se présente l'analyse conjoncturelle de 1981-1982. Sur le plan international et, avec plus de force encore, sur le plan national.

La politique économique du gouvernement français issue des élections de juin 1981 en aura été la première victime. Le plan de relance mis en place dès l'été et pendant l'automne 1981 reposait, en effet, sur le postulat de la priorité à l'emploi et sur le pari d'une reprise internationale venant relayer les efforts entrepris au niveau national pour assurer un minimum de croissance par la relance de la consommation.

Soucieux de remplir ses engagements électoraux, le gouvernement décide, dès l'été 1981, d'asseoir cette relance de la consommation sur une certaine redistribution sociale via le budget, les comptes sociaux (minimum vieillesse, allocations familiales) et la politique salariale. Le SMIC sera augmenté successivement de 3,9 % le 19 septembre et de 2,4 % le 1er novembre. C'est un peu plus que l'indexation sur les prix. Le déficit budgétaire initialement prévu à 57 milliards de F dans la loi de finance rectificative du 3 août sera porté à plus de 73 par la deuxième loi de finance du mois d'octobre. La spéculation monétaire conduisant à un réaménagement des parités européennes, dévaluation de fait de 8 % du franc par rapport au mark, le 1er octobre 1981, n'est pas alors ressentie comme une sanction de cette politique, mais comme la conséquence de la politique passée.

Déficit

Néanmoins, la chute à 88,6 % du taux de couverture du commerce extérieur, la progression rapide du taux de salaire horaire (4 % au 3e trimestre), le dérapage accéléré des prix (14 % au rythme annuel contre moins de 10 % aux États-Unis et 6,5 % en Allemagne fédérale) inclinent les partenaires économiques de la France à nous demander à Bruxelles la mise en place d'une politique plus rigoureuse. D'où l'engagement pris d'un déficit budgétaire 1982 contenu à 110 milliards de F, dont 15 milliards gelés, et la mise en place d'un encadrement partiel des prix avec engagements contractuels pour limiter la hausse à 10-12 % en 1982. Parallèlement, le gouvernement entreprend, avec les organisations syndicales, une politique salariale renversant le principe de l'indexation automatique des revenus. On augmente avant, en fonction d'un indice de prix censé se ralentir ; c'est le système Delors.

Face à une situation de l'emploi qui continue de se dégrader (on atteindra les 2 millions de chômeurs fin octobre), à une production industrielle stagnante et à un volume d'investissement en réduction constante, la stratégie du gouvernement ne s'est pas modifiée. La dévaluation doit en principe permettre aux entreprises françaises de retrouver un certain niveau de compétitivité concourant au redressement extérieur. Pour faire bonne mesure, on soutiendra un peu plus l'investissement par une action sur le volume et les taux de crédit aux entreprises. L'action sur les structures, par le biais des nationalisations, devra ensuite exercer un effet d'entraînement permettant d'assurer le taux de croissance de 3,3 % en volume présenté dans la loi de finance pour 1982.

Relance

Le plan va, hélas, buter sur trois obstacles : surestimation de l'effet d'entraînement des mesures de relance de la consommation ; sous-estimation de l'ampleur et de la durée de la récession économique mondiale et plus particulièrement de celle des États-Unis ; sous-estimation de la dégradation du climat psychologique chez les agents économiques traumatisés par le nouveau vocabulaire politique, le renforcement de la fiscalité et les réformes de structures envisagées (nationalisations, réduction de la durée du travail, retraite à 60 ans, nouveaux droits des travailleurs), alors que les déficits sociaux se creusent.

– Consommation. Les dispositions arrêtées en matière de transferts sociaux (augmentation des allocations familiales, des retraites, pensions, aménagement de la fiscalité, etc.), liées à un accroissement du salaire horaire de 16,3 % en 1981 (22,5 % pour le SMIC), se sont traduites par une amélioration de 1,9 % du revenu disponible des ménages, qui avait reculé de 0,2 % en 1980.