Armée

Priorité à la modernisation des armes de dissuasion

Dès sa désignation au poste de ministre de la Défense, Charles Hernu donne, dans un entretien au Monde du 11 juillet 1981, le ton à ce qui sera la doctrine du gouvernement en matière de sécurité, réaffirmée, après lui, par le Premier ministre, Pierre Mauroy, à l'Institut des hautes études de défense nationale à Paris.

Charles Hernu affirme la volonté du gouvernement de développer une dissuasion nucléaire qui soit indépendante, de rénover le service national en l'adaptant et en le décentralisant — sans faire une religion du problème de sa durée — et de maintenir des forces d'intervention extérieure au profit des pays alliés en Afrique.

Le ministre de la Défense s'élève, d'autre part, contre toute idée d'un arrêt des ventes d'armes françaises à l'étranger, préférant exposer la perspective d'un redéploiement de cet effort vers d'autres horizons.

De tels propos, le Premier ministre les reprendra à son compte le 14 septembre suivant devant les stagiaires civils et militaires de l'IHEDN. Pierre Mauroy s'engage, au nom du gouvernement, à moderniser l'arme nucléaire, stratégique et tactique, et à maintenir à un an, dans l'immédiat, la durée du service militaire. Et le Premier ministre conclut : « Il y a au moins un point, les impératifs de la défense, sur lequel la permanence de l'action gouvernementale s'impose. »

Aussitôt connues, ces déclarations sont diversement commentées. L'opposition les approuve dans leurs grandes lignes et la collectivité militaire, sans doute parce qu'elle craignait les effets du changement sur une politique de défense nécessairement conçue sur le long terme, ne cache pas sa satisfaction. En revanche, on note une certaine déception au sein même du parti socialiste : les opposants à Charles Hernu, forts de l'approbation donnée à sa politique par des membres de l'ex-majorité, regrettent que la défense constitue un domaine qui puisse échapper ainsi à l'esprit du 10 mai.

Des mouvements de mauvaise humeur apparaissent chez les plus jeunes et, plus spécialement, parmi ceux qui se rappellent la proposition, dite 105, du candidat François Mitterrand à l'élection présidentielle, selon laquelle la durée du service militaire serait ramenée à six mois (au lieu de douze).

Contestation

Dans plusieurs lieux de garnison, des contestations se manifestent, sanctionnées avec une relative indulgence par le commandement local. Quelques milliers de soldats du contingent signent un appel pour le service à six mois « comme promis » et quelques-uns vont jusqu'à participer, en uniforme, au défilé syndical du 1er mai 1982 à Paris. Durant toute cette agitation, on observe le silence du parti communiste qui, lui, s'est prononcé pour un service actif de douze mois.

Malgré cette fronde dans quelques casernes en France et en RFA, tant le Premier ministre que le ministre de la Défense, le président de la Commission de la défense à l'Assemblée nationale, Louis Darinot, député PS de la Manche, et le chef d'état-major des armées, le général Jeannou Lacaze, profitent de chaque circonstance pour affirmer que la réduction du service serait inopportune.

Car, plus que cette polémique, c'est l'impasse financière dans laquelle se trouvent les armées qui mobilise l'attention et l'énergie du ministre de la Défense.

Présentant son projet de budget pour 1982, qui s'élève à 123 milliards de F (en augmentation de 17,63 % par rapport à celui de 1981), Charles Hernu demande, en novembre 1981, au Parlement d'être jugé en considérant son action sur les deux années qui viennent : 1982 et 1983. Pour la raison, explique-t-il, que, durant ces deux années, le gouvernement s'efforcera de rattraper les retards constatés dans l'exécution de la loi de programmation militaire 1977-1982 de ses prédécesseurs et parce que, ajoute-t-il, la véritable planification militaire à venir du pouvoir socialiste, au-delà de ce plan intérimaire de deux ans, n'aura d'effet propre qu'entre 1984 et 1988, fin du septennat de François Mitterrand.

Retard

Au mieux, en effet, l'équipement classique des armées françaises par rapport aux prévisions a un à deux ans de retard, et parfois quatre années pour certains matériels. Seule des trois armées, la marine nationale aura pratiquement réussi, ces dernières années, à exécuter son plan d'armement.