Des espoirs résident certes dans le volumineux rapport de la Commission Dautresme dont on veut espérer qu'il sortira quelque chose de plus que de ses prédécesseurs. Le gouvernement a maintes fois réaffirmé son désir de stimuler l'épargne à risque, la meilleure ressource pour l'entreprise quand il s'agit de financer des investissements créateurs d'emploi.

Mais est-ce bien la voie retenue quand on décide de limiter pour deux ans la croissance des dividendes ? Car c'est bien le choix fait dans le cadre du plan de rigueur qui vient accompagner la seconde dévaluation à laquelle il faut bien se résoudre au début du mois de juin.

Là encore franc et mark font chacun une partie du chemin : – 5,75 % pour le premier, + 4,25 % pour le second. C'est la conséquence inéluctable du différentiel d'inflation qui s'est durablement installé entre les deux pays et que des politiques divergentes ne sont pas, bien au contraire, venues réduire. Pour la Bourse, cette seconde dévaluation en neuf mois a des résonances lugubres. Elle n'y trouve pas les motifs d'espoir qu'on attend d'un remède et fléchit avec une brutalité que l'on n'avait pas vue depuis l'élection présidentielle. Et cela sans qu'il soit besoin d'évoquer le mauvais exemple de Wall Street, étouffé depuis des mois par la persistance de taux d'intérêts abusifs. Des taux qui poussent le dollar au voisinage de 7 F, ce qui touche immédiatement les matières premières importées, à commencer bien sûr par le pétrole.

Pour le marché, l'affaire est simple : les marges des entreprises ont déjà diminué en 1981 du fait de la conjoncture générale et de la charge accrue des frais financiers. Elles vont fléchir encore plus maintenant du fait de la nouvelle donne sociale (5e semaine de congés, 39 heures, etc.) et du blocage simultané des prix, pour ne pas parler de l'incidence de la TVA. Le résultat, c'est l'abstention de l'investisseur, qui regarde vers les obligations dans l'espoir qu'un coup de frein à l'inflation permettra une baisse des taux et vers les valeurs étrangères, même s'il faut payer plus de 8 F le dollar-titre.

Une prime d'ailleurs considérée comme relativement modeste par ceux qui font observer que les marchés étrangers se trouvent dans leurs monnaies locales à des niveaux historiquement bas. Quant aux valeurs françaises, elles sont bien peu nombreuses à trouver grâce aux yeux des opérateurs et n'y parviennent que dans la mesure où elles sont axées sur l'étranger, qu'elles s'appellent Générale occidentale, Martell ou Moët-Hennessy, sinon Générale de géophysique, la grande recrue de l'année 1981. Car les nouveaux venus sont rares alors qu'il faudrait relayer les sociétés nationalisées. Et, si Epeda Bertrand Faure apparaît à la cote en mai 1982, l'arrivée de Benson est différée et les autres candidats semblent évanouis.

Ajournée

Confrontées aux profondes mutations de 1981, les autorités de tutelle du marché ont été condamnées à une administration au jour le jour. C'est-à-dire qu'ont été mis en veilleuse les ambitieux projets de réforme précédemment exposés. Ils ne pourront être repris qu'au vu des choix faits par le gouvernement dans la vaste panoplie des propositions de la Commission Dautresme. Une porte a toutefois été ouverte par la Loi de finances pour 1982 qui organise les conditions d'une gestion dématérialisée des valeurs mobilières par inscription en compte et circulation par virements de compte à compte.

En attendant, le seul changement notable est celui de l'indice de la Compagnie des agents de change qu'il a bien fallu réviser du fait des nationalisations. En abandonnant par la même occasion la vieille base si critiquée de fin 1961 qui donnait une bien piètre idée des performances de la place. Ce changement d'indice explique la légère rupture qui apparaît sur les graphiques mais ne suffit pas à leur donner une allure souriante.

Il est vrai que le marché français n'est pas le seul dans ce cas et ce pour plusieurs raisons : entretenue par les mauvaises habitudes prises par toute une génération d'agents économiques, l'inflation persiste dans de nombreux pays en dépit de politiques monétaires souvent restrictives et génératrices de chômage, les secteurs publics connaissent partout des besoins de financement croissants, la rentabilité des entreprises diminue et les déséquilibres des balances des paiements s'accentuent.

Pour l'Europe, le mal est accru de l'attrait du dollar artificiellement gonflé par la politique américaine des taux. Et les bonnes intentions exprimées au sommet de Versailles de juin paraissent peu susceptibles de se transformer en faits. Il s'y ajoute une interrogation propre à la France : conscient de la nécessité d'orienter l'épargne des ménages vers le financement de l'industrie, le pouvoir politique peut-il admettre que l'actionnariat est la forme la plus efficace de l'épargne à risque ? De la réponse à cette question précise dépend l'avenir d'un marché que d'aucuns considèrent en suspens.