Ainsi la centrale cégétiste a modifié sa stratégie dans un sens qui rappelle le recentrage de la CFDT. Le mot honni n'est pas prononcé, mais la CGT, pour ne pas constituer un obstacle à l'action du gouvernement d'union de la gauche, entend récuser tout jusqu'au-boutisme et tenir compte de certaines réalités économiques, à condition que l'on s'attaque résolument aux profits patronaux. Cette adaptation, H. Krasucki a été obligé de l'impulser à chaud, le plan d'accompagnement décidé par le gouvernement au lendemain de la dévaluation du franc l'obligeant à réagir au blocage des salaires. Tout en condamnant tout blocage des salaires, et d'une manière générale toute politique de rigueur qui ne s'en prendrait pas aux « profiteurs » de la crise, la CGT a préféré s'engager sur le terrain de la contre-proposition plutôt que de la lutte frontale avec le gouvernement.

Sur le plan interne, le congrès a confirmé l'abandon de la politique d'ouverture et de démocratisation ; une réelle raideur s'est manifestée à l'égard d'opposants, très minoritaires d'ailleurs. À la commission exécutive, élargie de 101 à 131 membres, le pourcentage de communistes est certes passé de 79 % à 75 % et le nombre de socialistes de 7 à 10, mais un communiste critique et un socialiste contestataire ont été évincés. Au bureau confédéral, porté de 16 à 18 membres, les socialistes se sont retrouvés à 2 comme en 1978. D'une manière générale, l'autosatisfaction a pris le pas sur l'autocritique et la crise interne de la CGT a été quasiment ignorée.

CNPF : Le parti de l'entreprise

Lors de son assemblée générale annuelle du 15 décembre, le CNPF n'a pas seulement changé de président, en élisant Yvon Gattaz, mais a aussi choisi de recadrer ses missions face à la persistance de la crise économique et à l'émergence du changement politique. En annonçant la tenue, dans le courant de l'année 1982, des États généraux des entreprises françaises, Y. Gattaz veut faire réellement de son organisation « le parti de l'entreprise ». Soucieux de ne pas entrer dans une opposition ouverte avec le pouvoir politique, il affirme : « Les chefs d'entreprise ne font pas de politique. Ils ne pratiquent pas la politique de la terre brûlée. Ils ne font pas preuve d'attentisme. Nous n'élèverons ni le mur d'argent ni le mur idéologique. Nous voulons être une force de proposition. » Ce nouveau langage et ce nouveau style s'accompagnent d'un profond renouvellement de l'état-major du CNPF. Conservant les affaires sociales, Y. Chotard (concurrent malchanceux d'Y. Gattaz) devient premier vice-président, et Guy Brana, directeur délégué dans le groupe Thomson, devient, lui, président de la commission économique.

Yvon Gattaz

« Pour être pris au sérieux, je dois être un bon réalisateur avant d'être un beau parleur. » Yvon Gattaz a été si bien pris au sérieux qu'il est devenu, à la surprise quasi générale, président du CNPF le 15 décembre 1981. Au fonctionnaire qu'était François Ceyrac succède ainsi un homme de terrain, un créateur et un animateur d'entreprise. Bref, un réalisateur. Pour faire face à un changement politique qui a laissé groggys bon nombre de patrons, l'organisation patronale met à sa tête un homme qui ne rêve que de la transformer. Né le 17 juin 1925 à Bourgoin (Isère), Y. Gattaz a la magie de la réussite. Élève brillant, il passe les concours de Centrale et des Mines. Il les réussit l'un et l'autre. Il opte finalement pour Centrale. Il débute sa carrière chez Citroën. « Vite et bien », il en devient, à 27 ans, chef du service des achats métallurgiques. Parallèlement, le soir et durant les week-ends, il travaille avec son frère à ses propres projets. En 1952, il crée Radiall, une petite entreprise d'électronique, classée aujourd'hui au second rang mondial pour les connecteurs coaxiaux. Auteur de deux livres, Les hommes en gris (1979) et La fin des patrons (1980), il est un défenseur passionné de la liberté d'entreprendre, invitant les patrons à être des animateurs et des créateurs. En 1976, il lance l'Éthic, un mouvement d'entreprises de taille humaine, industrielles et commerciales. La voie de la présidence du CNPF s'ouvrait devant lui.

Législation sociale

Rapport Auroux : les droits nouveaux des travailleurs

François Mitterrand a voulu d'emblée marquer son septennat par l'instauration de droits nouveaux pour les travailleurs. Valéry Giscard d'Estaing déjà, avec le rapport Sudreau en 1975 (Journal de l'année 1974-75), avait jeté les bases d'une réforme de l'entreprise qui n'eut que peu de suites législatives.