Les événements polonais ont donc renforcé les clivages, sans que pour autant un réel rapprochement ne se dessine entre la CFDT et les syndicats réformistes. Après une rencontre à trois le 22 novembre, FO, la CFTC et la CGC se retrouvent, le 15 mars, pour exprimer quelques préoccupations communes. Malgré — ou peut-être à cause — les tentatives des partis politiques de gauche, le 1er mai 1982 était tout aussi désuni que le 1er mai de 1981 et de 1980.

La décision de Pierre Mauroy de recourir, au lendemain de la dévaluation du franc du 12 juin, au blocage des salaires aurait pu provoquer un réel front syndical d'opposition. En d'autres temps, sous Raymond Barre par exemple, toutes les confédérations syndicales se seraient retrouvées dans une grève nationale. Il n'en a rien été. Lorsque le Premier ministre réunit le 17 juin tous les partenaires sociaux, il se réjouit de l'accord de tous les participants pour lutter contre l'inflation. Mais, si le CNPF conteste le blocage des prix, les syndicats manifestent verbalement leur opposition au blocage des salaires. « Une injustice sociale, une erreur économique et une faute politique », devait dire Henri Krasucki.

Cependant, cette opposition ne s'est traduite ni dans l'unité ni dans l'action. Certes, FO, la CGC et la CFTC se sont de nouveau rencontrées, envisageant la possibilité d'actions à l'automne. Certes, les électriciens CGT comme les fonctionnaires FO et CGC ont fait grève. Mais la riposte est demeurée plus ferme dans le langage que dans l'action, la CGT mettant en avant des contre-propositions à débattre entre les travailleurs. Le paysage pourrait cependant singulièrement changer à la rentrée, lorsqu'il s'agira de sortir du blocage non sans perte de pouvoir d'achat pour 1982.

Malgré un nouveau langage plus unitaire de la CGT, la rencontre au sommet entre H. Krasucki et E. Maire, la première depuis le 29 janvier 1980, acceptée dans son principe, ne devrait avoir lieu qu'en septembre. Avec une chance de réussite très limitée. Mais le paysage unitaire ne sera plus le même. La CFDT ne veut plus s'enfermer dans une unité privilégiée avec la CGT, et entend élargir l'unité d'action, sur le terrain, à toutes les organisations syndicales. Un pari difficile dans une France où le changement politique n'a pas mis un frein à la crise de la syndicalisation.

Les congrès syndicaux

Chômage, rigueur, crise économique ont été au centre des débats des congrès syndicaux. Henri Krasucki, qui avait placé le congrès de la CGT sous le signe de l'adaptation, ne pouvait éviter de tenir compte, lui aussi, de certaines réalités économiques.

CFTC : objectif anti-chômage

Au cours de son 41e congrès confédéral du 26 au 29 novembre 1981 à Lyon, la CFTC met fortement l'accent sur la nécessité de lutter contre le chômage, notamment en impulsant un plan mondial d'aide au développement, tout en s'inquiétant des risques de « régression sociale » que fait courir la crise économique. Tout en se refusant à la moindre confusion entre le syndical et le politique, la centrale chrétienne crée l'événement en étant la première organisation syndicale à recevoir, chaleureusement, un ministre du Travail en la personne de Jean Auroux. Jacques Tessier, président depuis 1970, n'ayant pas souhaité se représenter, Jean Bornard, secrétaire général, 53 ans, est élu président, Guy Drilleaud devenant secrétaire général.

CFDT : rigueur et vérité

Douze ans après avoir opté pour le socialisme autogestionnaire, trois ans après avoir, à son congrès de Brest en 1979 (Journal de l'année 1978-79), choisi de « resyndicaliser » son action, la CFDT tient, du 25 au 29 mai, à Metz, son 39e congrès. Le langage de rigueur et de vérité, tenu par Edmond Maire depuis quelques mois dans l'espoir que le gouvernement y souscrirait, allait-il être admis par les militants ? Tel est le principal enjeu de ce congrès à priori difficile. Si les débats ont été parfois animés, sans que le secrétaire général de la CFDT fasse la moindre concession à une opposition plutôt éclatée (malgré un regroupement de 125 syndicats à l'initiative de la Ligue communiste), le congrès se traduit par un succès global de la ligne confédérale. Avec 59,5 % de voix favorables au rapport d'activité, Edmond Maire obtient un meilleur quitus qu'au congrès de Brest, même si les votes « contre » progressent, tandis que les abstentions s'effritent. L'adoption plus large encore de la résolution générale traduit un accord avec la construction de « nouvelles solidarités » pour trouver une issue au chômage et à la crise. E. Maire fait admettre l'idée d'une participation conditionnelle des fonctionnaires au financement de l'assurance-chômage, mais il essuie un demi-échec sur la compensation salariale qui, contre son avis, devra être intégrale jusqu'à deux lois le SMIC revendiqué (jusqu'à 7 800 F). L'unité d'action ne sera plus privilégiée avec la seule CGT mais élargie à l'ensemble des syndicats. Il reste à savoir comment les militants de la CFDT appliqueront ces nouvelles orientations dans leurs entreprises.

CGT : Adaptation

C'est sous le signe de l'adaptation qu'Henri Krasucki a placé le 41e congrès de la CGT du 13 au 18 juin à Lille, congrès au cours duquel il a officiellement succédé à Georges Séguy.