Moto

Tentative française de reconquête du marché intérieur

Inauguré pour la première fois par un ministre des Transports — en l'occurrence Charles Fiterman —, le 68e Salon du cycle et du motocycle, qui se tient en octobre 1981, à Paris, prend un lustre particulier, comme c'est souvent le cas les années impaires, lorsque le Salon de l'automobile ne lui fait pas ombrage.

Un salon important, qui traduit bien le foisonnement des initiatives autour du deux-roues. On compte en effet 51 exposants de motos, 54 exposants de cycles, 17 constructeurs de voiturettes et 330 firmes d'équipement.

Pourtant, le climat est loin d'être à l'optimisme. Si les ventes de bicyclettes continuent de progresser, celles de motos fléchissent sérieusement. Quant aux ventes de cyclomoteurs, elles chutent de 25 % : elles ne dépassent pas 486 000 unités en 1981 (au lieu de 1,38 million en 1974).

Ce sont bien entendu les Japonais qui souffrent le plus de ce recul : ils couvrent à eux seuls 92,5 % du marché français de la moto, contre 4 % pour les Italiens, 2 % pour les Allemands et 1,5 % pour les Français eux-mêmes.

Assurances

La réduction du pouvoir d'achat des jeunes d'une part, l'obligation de port du casque d'autre part expliquent en partie la baisse des ventes de cyclomoteurs et de motos. Mais c'est surtout le renchérissement constant des assurances (surtout pour les jeunes), du crédit et le coût d'obtention des nouveaux permis qui semblent à l'origine du recul des ventes.

Enfin, l'instauration de trois nouvelles catégories fiscales et réglementaires de motocyclettes — auxquelles sont rattachés des permis bien spécifiques — a joué un effet dissuasif certain.

C'est particulièrement vrai pour la catégorie des 125 cm3, qui représentait jusqu'en 1980 jusqu'à 65 % du marché total de la moto en France, et qui, avec 26 195 ventes en 1981, chute de plus de 32 % !

C'est dans ce contexte que les Français s'efforcent de revenir sur le marché, d'où ils avaient disparu. Efforts méritoires, à défaut d'un succès commercial qui se fait attendre.

Made in France

Peugeot présente trois petits engins de 80 cm3 et surtout deux véritables motos de 125 cm3, les TXT et TXE, d'aspect agressif. Leur moteur est un Gilera italien. Plus surprenant : dans la catégorie des gros cubes apparaissent de nouveaux venus français, artisans ambitieux décidés à passer au stade industriel.

C'est notamment le cas de la société Moto française (MF) à Vendôme, qui a sorti une 650 cm3 à moteur de Visa Citroën, et de BFG, société savoyarde fondée par trois amoureux de la moto et qui présente un engin — l'Odyssée — équipé du moteur de la Citroën GSA. La gendarmerie achète une dizaine de ces nouvelles motos françaises pour les tester et en assurer la promotion.

Ces initiatives restent marginales. Faute d'industrie française de la moto, les artisans de la reconquête doivent importer fourches, freins, commodos, guidons, etc. MF et BFG s'efforcent en outre de prélever le plus de composants possibles à l'automobile, bien qu'ils ne soient à l'évidence pas toujours parfaitement adaptés.

Bricolage parfois très intéressant mais non transposable à l'échelle industrielle sans effort financier considérable : « L'étude et la construction d'une moto entièrement nouvelle et compétitive coûterait entre 3 et 4 milliards de F » estime Bertrand Peugeot, P-DG des cycles Peugeot.

Franco-japonais

Un tel effort n'est même plus à la portée des seuls industriels du secteur, Peugeot et Motobécane. Aussi pour enrayer la baisse de leurs ventes de cyclomoteurs et pour essayer de reconquérir progressivement, par le bas, le marché de la moto, ils négocient avec leurs grands concurrents japonais.

Peugeot et Honda en décembre 1981, Motobécane et Yamaha en avril 1982 signent des accords prévoyant une commercialisation mutuelle de leurs gammes en Europe, des fabrications réciproques et des échanges d'organes.

Peugeot, de son côté, lance en avril 1982 un engin de conception nouvelle, entre le cyclomoteur et le scooter, destiné non plus aux jeunes, mais à une clientèle de cadres adultes se déplaçant en milieu urbain : le Scoper.

Pour lutter contre le prix dissuasif des assurances, des initiatives des groupements de motards et des mutuelles offrent des primes réduites, sous réserve du paiement d'une franchise importante en cas de vol.

Il est vrai que 30 000 engins de plus de 50 cm3 sont volés chaque année : plus de 5 % du parc. On n'en retrouve que le tiers. Normal, sans doute, puisqu'on estime qu'une déclaration de vol de moto sur deux est fausse.