La musique de Lewis Furey est indéfinissable. Ce jeune compositeur-chanteur, canadien anglophone, ex-violon solo de l'Orchestre symphonique de Montréal, a sans doute été séduit par le climat de la musique de Kurt Weill et la captivante mélancolie du tango façon Piazzola. Toujours est-il qu'après des années de travail, seul ou avec d'autres musiciens, il est parvenu à un style précis où les sons se posent et se complètent avec une justesse méticuleuse dans un climat néanmoins baroque et débordant de trouvailles poétiques.

Lewis Furey compose en 1979 un premier spectacle intimiste avec sa complice de tous les instants, la comédienne québécoise Carole Laure. Il a trouvé dans le jeu spontané, rieur, mais aussi romantique et grave de cette surprenante partenaire le juste écho de son paysage intérieur. Comme le couple des amoureux de Peynet, Carole Laure et Lewis Furey ont hissé l'art naïf au niveau du meilleur spectacle. Après un rendez-vous manqué au cinéma avec Fantastica de Gilles Carie, en 1980, ils ont composé pour la scène un oratorio sur la vie conjugale. Avec piano, violon et, comme dans les drames antiques, un chœur de voix adultes pour ponctuer les effets ou relancer l'action. Avec pour décor les superbes jeux de lumière d'un spécialiste inspiré venu du cinéma.

Ici encore, le naturel, la beauté, la fraîcheur, le plaisir sont les fruits d'un travail qui n'a négligé aucun détail. Et Carole Laure et Lewis Furey ont fait la démonstration que, malgré la production pléthorique de chants et de danses de toutes provenances, il était encore possible d'innover.

Il fallait bien cette gerbe d'émotions fortes pour ne pas succomber à la morosité, à la gravité et même à la monotonie d'une saison lourde. Comment nos troubadours et nos amuseurs allaient-ils traduire sur scène le changement de cap inscrit dans l'actualité de notre société ?

Avenir

Tout a bien commencé : Alex Métayer installe à Paris pour trois mois son personnage à mille facettes, tendre et burlesque, au rire décapant. Barbara fait chapiteau comble à la porte de Pantin en un retour grandiose. Mais, à la fin du mois d'octobre, Georges Brassens meurt à Sète, sa ville natale ; bien qu'il ait habitué son public à vivre familièrement avec la mort, sa disparition laisse un grand vide parmi les siens. Il avait beau affirmer que, sans Mireille et Trenet, il n'aurait pas fait ce métier, sa présence, son respect des autres, la richesse de son langage et l'originalité de son chant ont été déterminants pour la génération qui a emboîté son pas.

On a beaucoup réfléchi sur l'avenir de la chanson, de septembre à mai, en France. Le nouveau gouvernement, par la voix de son ministre de la Culture, Jack Lang, prend très au sérieux cet art populaire et déclare vouloir tout mettre en œuvre pour son épanouissement et son rayonnement. Mais le rapport confié à l'écrivain-journaliste Pascal Sevran laisse quelque peu perplexes artistes et professionnels. Du moins un pas a-t-il été fait vers une politique officielle. Au mois de janvier, au cours du MIDEM, Jack Lang réaffirme sa détermination à aider le disque français et la création de nos artistes. C'est à ce moment-là que démarre l'opération Intersonore, une vaste entreprise de promotion des jeunes chanteurs français à l'étranger, le premier pays touché étant le Japon, où la chanson française est depuis longtemps bien accueillie.

À Blois, en septembre 1981, on discute des rapports entre la littérature et la chanson : une rencontre courtoise. À Rennes, au mois de janvier 1982, on promeut un répertoire choisi par la population elle-même, mais ce festival connaît quelques difficultés. À Bourges, au début du mois d'avril, on consacre les valeurs sûres et l'on inaugure un Centre national de la chanson.

Les spectacles se suivent et souvent se ressemblent. On doit cependant à Jacques Higelin, couronné en mars par l'académie Charles Gros, ainsi qu'à Lucid Beausonge, Bernard Haillant et Jean-Christophe Averty, pour ses retrouvailles avec les succès du 78-tours, aux Québécoises Pauline Julien, Fabienne Thibault et surtout Diane Dufresne quelques-unes des plus belles émotions de cet hiver. Et tandis que les Compagnons de la chanson, après 40 ans de vie commune, effectuent, sur l'exemple des Frères Jacques, leur tournée d'adieux, le Golden Gate Quartet, un quatuor d'artistes noirs américains, fête avec succès ses 50 ans au service du negro spiritual et du gospel. Les uns s'en vont, les autres reviennent.

Grand prix national
(18 décembre 1981)

Chanson : Francis Lemarque.

Pop – Rock – Jazz

En bonne place sur les ondes

Le monde du rock n'a pas été épargné par le changement de politique en France. On a pu voir le ministre de la Culture s'entretenir à la télévision avec le chanteur du groupe lyonnais Star-shooter. Le même ministre a annoncé la construction d'une vaste salle destinée à recevoir, à Paris, les grands noms du rock international. Regrettons à ce propos le manque d'assouplissement du statut des clubs et autres lieux où cette musique se joue au quotidien. Ce serait pourtant là un effort important en faveur de cette musique, telle qu'elle cherche à s'exprimer dans ce pays. L'entrée dans ces clubs est trop chère et les groupes locaux appelés à s'y produire trop peu nombreux.