De la même façon, l'Europe a démontré son incapacité à dégager quelques orientations communes pour stimuler les sources d'énergie autres que le pétrole. Seul le succès d'Ariane, au mois de juin 1981, est venu apporter une bouffée d'air à l'Europe spatiale, encore que, dans ce domaine, le poids des accords particuliers et bilatéraux pèse davantage que la volonté communautaire.

L'acier

Si l'ancien commissaire Étienne Davignon a remporté un succès personnel incontestable en faisant jouer la procédure anticrise prévue par l'article 54 du traité de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) pour contingenter les productions et soutenir les prix, en revanche le problème des subventions a provoqué en juin 1981 un grave différend entre l'Allemagne et la France.

La pêche

C'est à propos du problème de l'Europe bleue que la cohésion de la CEE a été le plus mise à rude épreuve. Un accord devait être conclu avant la fin de l'année 1980 sur les droits et devoirs de chacun, la Grande-Bretagne s'obstinant à refuser le libre accès de ses côtes aux pêcheurs du continent.

Au total, 100 000 marins-pêcheurs concernés (0,1 % de la population active des 10 pays de la CEE) et un compromis obtenu à l'arraché au début de 1981 et qui ne satisfait personne, dans la mesure où il prolonge pour partie le statu quo jusqu'au second semestre 1981.

Invasion

Ces échecs ponctuels, dont pratiquement aucun n'a pu être réglé au sommet de Maastricht, le 24 mars 1981, peuvent sans doute s'expliquer par l'aggravation de la conjoncture économique (le PIB n'a augmenté que de 1,3 % en 1980 contre 3,4 % en 1979 et le nombre des chômeurs atteindrait 10 millions à l'automne), qui met en difficulté chaque gouvernement.

De l'automne 1980 au printemps 1981, on a vu successivement les gouvernements belge et italien sombrer sous les problèmes, la coalition gouvernementale de Van Agt, aux Pays-Bas, perdre sa faible majorité, les conservateurs britanniques perdre de leur influence, le chancelier Schmidt contesté en Allemagne fédérale, et la France changer de président et de majorité parlementaire.

L'usure des pouvoirs n'entraîne pas nécessairement une rupture de l'unité européenne, et l'on a vu celle-ci se manifester notamment lors de la 2e convention de Lomé en janvier 1981.

Mais, face à un déficit commercial qui a atteint 61 milliards de dollars en 1980 contre 32,8 en 1979, chaque pays a tendance à essayer de trouver des solutions isolément. Ainsi en est-il des atermoiements à l'égard de l'URSS, qui s'expliquent par le souci de ne pas contrarier les États-Unis, sans pour autant se priver des débouchés des pays de l'Est.

Faute d'une unité de vues, les Européens ne parviennent pas davantage à opposer un front commun à l'invasion des produits japonais, chacun tentant d'établir des contingentements plus ou moins officiels, alors que le déficit commercial est passé de 7 à 11 milliards de dollars en 1980 et qu'il s'est encore accru de 46 % dans les premiers mois de l'année.

Téléviseurs, magnétoscopes, chantiers navals et surtout automobiles constituent la force de frappe japonaise, qui réveillera peut-être l'Europe avant la fin de l'année.

Coincés entre un dollar qui a accru leur facture pétrolière de 30 % en un an, une concurrence japonaise d'autant plus agressive que des accords de limitation ont été conclus avec les États-Unis, et le ralentissement de leur propre activité économique, les Européens n'ont probablement plus d'autres choix que de se serrer les coudes, en faisant taire leurs divergences.

La Grèce dans la CEE

Malgré ses difficultés, l'Europe communautaire reste une entité reconnue et considérée aux yeux du monde entier.

Ce sont les Européens qui doivent calmer les impatiences des Espagnols et des Portugais qui frappent à la porte.

Le 1er janvier 1981, la CEE accueille, après vingt années de négociations, un nouveau membre, berceau de la culture et de l'histoire européennes : la Grèce. C'est un pari encore plus important pour la Grèce que pour les autres pays du Marché commun. La Grèce devra maintenir, en effet, un taux de croissance élevé pour réduire la distance qui la sépare des économies beaucoup plus fortes de ses partenaires et, pour cela, procéder à d'importantes réformes de structures.